Marc Eynaud : « Que reste-t-il de sacré dans ce pays, hormis les lieux de culte ? »

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À l’occasion de la sortie de son livre Qui en veut aux catholiques ? (Artège), Marc Eynaud livre son analyse sur la recrudescence des actes anticatholiques ces dernières années. Pourquoi ces violences, qui en sont les auteurs, quelles réponses apporter à ce climat toujours plus hostile à la religion… ?

Marie-Camille Le Conte. Une nouvelle église a fait l’objet d’une profanation en ce week-end de Pâques, le curé de Foix (09) ayant découvert sur les murs du bâtiment ce tag : « Une bonne église est une église en feu. » On a vu très peu de réactions sur ce sujet, comment expliquez-vous ce silence ?

Marc Eynaud. Pour deux raisons : l’indifférence et la banalité de faits devenus quotidiens. Au fond, on n’y prend même plus garde. L’inscription que vous évoquez est un vieux slogan anarchiste. Cet acte de haine totalement gratuite est hélas monnaie courante et, surtout, est loin d’être le plus grave. Ainsi, rien qu’au début de l’année 2022, on a connu une semaine chargée. Église Saint-Germain de Vitry-sur-Seine : vol d’un calice et d’hosties consacrées. Dans la nuit du dimanche 9 au lundi 10 janvier, en l’église Saint-Pierre de Bondy : un vitrail cassé, le tabernacle profané, fracturé et vidé de son contenu, la sacristie dont la porte a été fracturée et où ont été dérobés un autre objet liturgique ainsi qu’un ordinateur portable. La pièce a été laissée sens dessus dessous. Dans la basilique Saint-Denis, tombeau des rois : un homme s’attaque aux statues à coups de barre de fer. Profanation, aussi, dans l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Romainville, toujours en Seine-Saint-Denis, le 10 janvier. Tabernacle fracturé, plusieurs vases sacrés dérobés dans la sacristie, matériel de sonorisation volé, tronc arraché. Un peu plus tôt dans la semaine, dans l’église Saint-Porchaire de Poitiers, une statue du Christ en croix a été vandalisée… Le tout dans une indifférence glaçante. Partout. Tout le temps. Aucune région, aucun diocèse n’est à l’abri de ce genre d’attaques. On peut multiplier les exemples. La question qu’on doit se poser, c’est comment en est-on arrivé là ?

M.C.L.C. 1.659 actes antireligieux ont été recensés, pour la seule année 2021, dont une forte majorité visant les chrétiens, avec 857 profanations. Pourquoi cette virulence toute spéciale contre l’Église ?

M.E. « Il ne reste plus beaucoup de choses à profaner, faute de sacré encore capable de servir de cible. » Cette phrase du philosophe Rémi Brague peut déjà donner un début d’explication. En effet, que reste-t-il de sacré, dans ce pays, hormis les lieux de culte ? En réalité, la méconnaissance totale de la société vis-à-vis du fait religieux a rendu beaucoup plus fréquent ce genre d’attaque, car plus personne n’en mesure vraiment la gravité. « L’interdit moral qui protégeait les églises a volé en éclats », s’alarme dans ce livre l’archevêque de Rouen. Et il n’a pas tort. Ensuite, il y a évidemment la dimension culturelle. Dans notre société déconstruite par la rupture de la transmission, tout ce sur quoi nous sommes assis semble voué au mépris sinon à la mise au bûcher. Au fond, ces attaques, cet honneur d’être une cible qu’on ne saurait abdiquer, permettent aux catholiques de prendre conscience de la réalité et aux Français de se rappeler ce qu’ils sont. À l’image des islamistes qui nomment encore les Occidentaux comme des « croisés », ce qui n’est pas flatteur pour Marianne, à l’image de l’acharnement de certaines associations à déboulonner des calvaires et déplacer des statues. Les catholiques sont attaqués d’abord parce qu’ils sont les témoins vivants d’une Histoire et d’un héritage que beaucoup s’acharnent à détruire. D’ennemi héréditaire, le catholicisme n’est plus qu’objet de mépris : « Le monde tourne le dos au christianisme qui ne le lui tourne pas », résumait le philosophe colombien Nicolás Gómez Dávila. On pourrait ajouter : « Et le monde ne le lui pardonne pas. » Dans une société qui fait de la défense des minorités une fin, devant le morcellement des territoires, la multiplication des bulles cognitives et des safe spaces, l’universalisme catholique, sa morale, ses dogmes et sa philosophie apparaissent comme des contre-modèles universels. Et cela, c’est insupportable pour une partie de l’opinion

M.C.L.C. Face à la montée de cette hostilité antichrétienne, peut-on espérer un jour endiguer le phénomène ou faut-il le voir comme une fatalité ?

M.E. Il y aurait des actions très simples à mener. Tout d’abord, sensibiliser le clergé et les fidèles : s’ils ne portent pas systématiquement plainte, comment voulez-vous que les coupables prennent conscience de la gravité de leurs actes ? Ensuite, il faudrait par exemple réenseigner massivement le fait religieux, car n’oublions pas que la plupart de ces actes sont aussi le fruit de l’ignorance. Ensuite, il faudrait sérieusement se pencher sur l’instauration d’un délit de profanation. Ou plutôt étendre le champ de ce délit au-delà de celui des sépultures. En effet, lorsqu’une profanation est commise, et qu’on assiste à, supposons, un vol de calice, la Justice réagira en fonction de la valeur marchande du ciboire et ne peut appréhender la gravité d’un tel fait, ignorant de fait que devant une profanation, les croyants sont bien plus préoccupés par le sort des hosties consacrées que par le vase, aussi précieux soit-il. En soit, on peut trouver des réponses pratiques à des faits précis. Mais il ne faudrait pas perdre de vue l’essentiel : si nos églises n’étaient pas abandonnées par dizaines et vides la plupart du temps, ces faits n’arriveraient pas. Dans un écrit daté du IIe siècle après Jésus-Christ, voici ce qu’écrivait un chrétien anonyme à un dénommé Diognète : « Les chrétiens sont dans le monde ce que l’âme est dans le corps : l’âme est répandue dans toutes les parties du corps; les chrétiens sont dans toutes les parties de la Terre; l’âme habite le corps sans être du corps, les chrétiens sont dans le monde sans être du monde. » Rien n’a changé depuis deux mille ans : ainsi demeureront les catholiques de France. Une certitude aussi solide que l’Église. L’antique institution a survécu à la chute de Rome, aux invasions barbares, aux changements de régimes plus aisément qu’à ses propres turpitudes. Les catholiques, qu’ils soient diminués, attaqués de l’extérieur ou trahis de l’intérieur, ne disparaîtront pas.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/04/2022 à 2:42.
Marie-Camille Le Conte
Marie-Camille Le Conte
Journaliste à BV

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Et puis apres tout, les cathos sont en grande majorite a gauche, alors proteger nos eglises oui, les cathos? ben non pas specialement.

  2. Les Cathos deviennent une Minorité…
    Contrairement aux trop nombreuses Autres, elles ne sont pas agissantes.
    Elles ont perdu d’avance !

  3. Seul le mouvement « RECONQUËTE » pourra organiser la résistance nécessaire et les sanctions contre les actes de vandalisme visant la culture chrétienne , et faire respecter les lieux dédiés au culte catholique dans notre pays.

    Au moment du vote des législatives , qu’on se le rappelle !!..

Commentaires fermés.

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