Macron et Dati aux Ateliers Médicis : une visite aux allures de programme 

© Ateliers Médicis
© Ateliers Médicis

Rachida Dati est la plus importante prise de guerre (la seule, pour être honnête) du nouveau gouvernement Macron - baptisé gouvernement Attal pour la circonstance, mais personne n'est dupe. Il était donc normal que le chef de l’État accompagne sa nouvelle affidée lors de son premier déplacement en tant que ministre de la Culture. Cette fois, évidemment, on ne va pas « en région », « dans les territoires » : pas de temps à perdre avec les culs-terreux puisqu'il y a la télé. Pas davantage d’heures de visibilité présidentielle à consacrer aux fleurons français (l'Opéra de Paris ou même le Cadre noir de Saumur) : la culture française traditionnelle est réactionnaire, et de toutes façons, Emmanuel Macron l'avait déjà dit en 2017, elle n'existe pas.

C'est donc sur l'un des terrains de prédilection du président de la République qu'a eu lieu cette première visite de Rachida Dati : la banlieue. On n'est pas allé en Californie marseillaise, mais c'est encore mieux : le convoi royal s'est aventuré à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, aux Ateliers Médicis. Outre une relative proximité (géographique) avec Paris, ce déplacement avait plusieurs avantages : d'abord, il humiliait Valérie Pécresse, adversaire malheureuse de Macron, qui avait voulu couper les vivres à ce lieu culturel après que lesdits Ateliers eurent reçu Mehdi Meklat. Macron a le pardon magnanime pour Mehdi et la vengeance glacée pour Valérie. Pas de surprise. Le deuxième avantage de cette visite était l'occasion d'annoncer un nouveau déluge d'argent gratuit pour les moutons : on ne paiera rien pour visiter des lieux culturels cet été. C'est pas cher, c'est l'État qui paie. Attendons de voir si les chiffres de la fréquentation du Louvre explosent : chacun aura sa petite idée.

Le troisième avantage est évident : en lien avec les propos sidérants du Président en conférence de presse, il s'agissait de renforcer le discours, usé jusqu'à la corde, selon lequel l'accès à la culture permettrait aux jeunes des « quartchiers » de sortir de leur condition et, ainsi, d'échapper à « l’oisiveté » qui les a poussés, après la mort du jeune Nahel, à transformer la France en une vaste poubelle qui brûle. C'est évident : c'est en lisant Marivaux et en contemplant Turner, du Debussy dans les oreilles, que « Kevin et Matteo » détrôneront Gonzague et Sixtine en prépa. Ça ne peut être que ça, l'explication.

Une « culture » sans surprise depuis des décennies 

Il y a toutefois un petit problème, dans ce généreux projet : ce que Macron et Dati sont allés voir, ce n'est pas une classe de SEGPA jouant du Beckett, ni un ciné-débat sur Bergman monté par des choufs dans une cage d'escalier. Non : c'était, comme à chaque fois que la culture se déplace en banlieue depuis des décennies, un spectacle de breakdance sur une musique de hip-hop. Les plus anciens se souviendront que cette musique américaine a fait son apparition en France avec l'émission de télé H.I.P. H.O.P. présentée par Sidney, au milieu des années 80 - soit il y a près de quarante ans. Quelle ringardise de la part de la Macronie, mais aussi quel aveu d'échec pour la politique de la ville…

Quatre décennies plus tard, en effet, la banlieue, ce fameux mélange entre la Silicon Valley, la bibliothèque Sainte-Geneviève et le Cirque du Soleil, ne lit que des mangas, n'écoute que du rap et ne produit que de la breakdance. Le 9-3 et ses copies, malgré les milliards de l'argent public, largués comme une manne au-dessus des tours après chaque série d'affrontements ethniques, n'ont pas produit de danseuses étoiles, de cavalières, de compositeurs, de violonistes, de rimeurs en alexandrins. Des tags, du slam, de la « danse urbaine » et des clips de rap, en revanche, pas de problème.

Alors, c'était ça, que voulait dire Rachida Dati quand elle parlait de défendre la culture populaire ? OK, on a compris. Rien ne changera : confortée dans ses certitudes par la flatterie démagogique des bourgeois, la banlieue continuera de ne rien produire, culturellement parlant. Et nous, de payer pour ce rien.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

23 commentaires

  1. « Rachida Dati est la plus importante prise de guerre (la seule, pour être honnête) du nouveau gouvernement Macron ». Prise facile, sa reddition n’a pas trop tardé.

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