Livre : Aux sources du malaise identitaire français, de Paul François Paoli

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Paoli est un essayiste connu. Dans son nouveau livre, fort intéressant et captivant, il se penche sur « l’identité française », ouvrage d’autant plus actuel depuis l’émergence du mouvement Black Lives Matter. Celui-ci met en accusation l’Occident, coupable, selon ses censeurs, d’avoir détruit les traditions africaines par l’esclavage et la colonisation. Il rejette donc le modèle identitaire français. Or, ce modèle français est en crise : les médias, les intellectuels célébrant l’autre, musulman ou africain, toutes les valeurs étant équivalentes, le port de la burqa devenant aussi acceptable que celui de la baguette de pain.

Après 1789, pour une grande partie de « l’élite », la France devait apporter la liberté, les Lumières et l’égalité aux autres peuples. Pour imposer ces valeurs, la France révolutionnaire et napoléonienne s’est lancée dans la conquête de l’Europe et a failli dominer notre continent avant de succomber sous le poids de ses ennemis. Par la suite, cet idéal a formé le socle idéologique justifiant la colonisation, d’abord de l’Algérie entre 1830 et 1842, puis de l’Afrique et de l’Indochine. Victor Hugo, ce chantre de la gauche, déclarait, en 1879 : « Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la non pour le canon, mais pour la charrue [...], non pour la conquête, mais pour la fraternité. » En général, la gauche était pour la colonisation et la droite contre.

Les libéraux de 2020 aiment toujours l’idée de colonisation, mais à l’envers : ils veulent que des millions de migrants s’installent en Europe, quitte à ce que les « Gaulois » deviennent des sortes d’Indiens dans leur propre pays. Ces universalistes font peu de cas de l’idée d’une culture française, pourtant elle existe, selon l’auteur. Pour Paoli, c’est une manière d’être, de vivre, de se nourrir, d’échanger et de partager. Il est, certes, difficile de définir objectivement la notion de civilisation française, mais elle n’est pas une illusion. Enfin, pour l’instant. Nous risquons la dilution dans l’universalisme, dans le modèle libéral symbolisé par l’Amérique. Nous sommes aussi en train de nous fragmenter entre communautés linguistiques, religieuses ou ethniques. Les mariages mixtes se raréfient, les prénoms dénotent désormais l’origine et ne sont plus universellement « français » (Marie, Charles…) comme au début du XIXe siècle. Même le français régresse. Il n’est plus parlé dans beaucoup de foyers, il s’appauvrit, le nombre de mots utilisés diminue, des temps de conjugaison sont abandonnés. Enfin, alors que tous les peuples ont droit à un chez soi, nous risquons d’en être dépossédés.

De Gaulle a pris acte que la France devait renoncer à son empire colonial et a su mettre fin à la guerre d’Algérie. Il a été un nationaliste déçu par les Français qu’ils trouvaient médiocres, indignes sans doute de « sa » France. La droite a mis plusieurs décennies pour se débarrasser de lui alors que sa figure a été paradoxalement récupérée par la gauche (Mitterrand, Mélenchon...). Malheureusement, de Gaulle, tout lucide qu’il a été, a entrouvert les vannes d’une immigration que Pompidou et Giscard ont accrue et qui est en train de détruire l’identité française.

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Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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