L’IGPN : un bouc émissaire facile
La « police des polices », les « bœuf-carottes » ou bien encore le « cimetière des éléphants ». Voici les dénominations les plus courantes qui désignent l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Et de ce service il est régulièrement question dans les médias, en particulier en cette période troublée que vit notre pays. Mais de tous ceux qui éructent bruyamment aujourd’hui, et qui, pour certains, verraient bien sa disparition, qui sait véritablement de quoi il parle ? Qui connaît les missions de cette entité policière dont les origines remontent à la fin du XIXe siècle ? Qui sait comment elle travaille et comment elle est perçue par les policiers eux-mêmes ? Sans doute pas grand monde. Alors justement, parlons en, de l’IGPN.
Dans sa forme actuelle, l’IGPN est née de la fusion de l’IGS (l’inspection générale des services), qui était compétente sur le ressort de Paris et de la petite couronne, et de l’IGPN, qui exerçait ses compétences sur le reste du territoire national. C’est Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, qui procéda, le 31 octobre 1986, à ce mariage. Pour sa part, l’IGS avait vu le jour en 1854, et l’IGPN était issue du corps des contrôleurs généraux de la police et avait été créée, par décret, le 20 décembre 1884. Pour en finir avec ce bref historique, notons qu’un dernier texte réglementaire, daté du 28 août 2013, renforça cette fusion des deux services et entérina définitivement la disparition de l’IGS parisienne.
Ainsi, en 2020, l’IGPN compte près de 300 personnes dans ses rangs et est directement rattachée au ministre de l’Intérieur via le directeur général de la police nationale. Outre des services centraux basés à Paris, l’IGPN compte huit délégations régionales.
Les missions de l’IGPN consistent essentiellement en un rôle d’audit et de conseil auprès des services de police, mais procède également à des enquêtes internes administratives et judiciaires. C’est sur ce dernier aspect de ses missions que le corps d’inspection policier défraie régulièrement la chronique.
L’IGPN est, traditionnellement, un service qui agit discrètement. Peu habitués au devant de la scène, il aura fallu attendre ces toutes dernières années pour voir régulièrement ses responsables faire la une des journaux. Mais il est vrai que pour qui veut déstabiliser la police nationale, et donc le pouvoir en place, l’IGPN, à qui il est fait le reproche de protéger les policiers sur lesquels elle est amenée à enquêter, constitue une cible de choix. Afin d’essayer de tordre le cou à cette idée stupide, il convient de rappeler quelques éléments bien concrets. Tout d’abord, la police nationale est l’administration la plus contrôlée de l’État, et au sein de laquelle sont prononcées le plus de sanctions administratives (près de 1.700, en 2019). Ainsi, les révocations de policiers ne sont-elles pas rares (une quarantaine, l’année passée) et font, le plus souvent, suite à des enquêtes menées par l’IGPN. De même, en 2019, l’IGPN a procédé à 1.460 enquêtes judiciaires. 868 d’entre elles, soit plus de la moitié, concernaient des violences volontaires commises par des policiers. Il est donc faux de dire que l’administration policière protège ses membres. Bien au contraire. Par ailleurs, il faut rappeler que les enquêtes judiciaires menées par l’IGPN le sont sous la direction des magistrats. Comme pour toutes les procédures, procureurs de la République ou juges d’instruction, selon les cas, veillent au respect du droit et font en sorte qu’aucun policier impliqué et reconnu coupable d’une infraction ne puisse échapper à une sanction pénale et/ou administrative. S’il peut arriver que les conclusions de l’IGPN ne soient pas suivies, les raisons sont à rechercher ailleurs. Notamment dans les relations parfois ambiguës qu’entretiennent certains syndicats de police et la haute administration.
En conclusion, lutter contre les violences commises par certains policiers passe, en premier lieu, par la qualité dans le recrutement des policiers et l’efficacité des formations initiale et continue. De la même façon, c’est à travers la création d’un corps de gradés modernisé que la discipline pourra être pleinement assurée dans les rangs de la police. C’est donc une réforme globale des structures hiérarchiques policières qui s’impose et non la suppression circonstancielle d’une IGPN qui servirait alors de bouc émissaire facile.
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