Les vrais chiffres du grand débat : pas de quoi triompher, non plus !

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On sait depuis longtemps que nos services gouvernementaux, et notamment ceux du ministère de l'Intérieur, sont fâchés avec les chiffres. Une tradition française, diront certains ! Par exemple, et encore une fois, pour la seizième fois même, Beauvau annonçait 5.600 manifestants à 14 heures pour toute la France dont 1.320 à Paris, alors que les téléspectateurs apprenaient, en suivant les chaînes d'info, qu'il y avait plusieurs milliers de gilets jaunes à Bordeaux et quelques milliers dans chacune des grandes villes comme Lyon, Lille, Nantes, etc. N'est-il, d'ailleurs, pas ridicule et enfantin d'annoncer, pour Paris, un nombre de manifestants à la dizaine près ? 1.320. Et pourquoi pas 1.322 ? Une telle précision enlève toute crédibilité à ces calculs.

Pour le grand débat, j'ai voulu vérifier si, par hasard, on ne nous ferait pas le même coup, mais à l'inverse ou à l'envers ? Un million de contributions, annonçait Sébastien Lecornu dans un tweet clignotant, s'il vous plaît, le 18 février dernier ! Deux semaines après, le 3 mars, à 21 heures, on comptait 930.390 contributions sur le site du granddebat.fr. Que s'est-il donc passé entre le 18 février et le 3 mars ? Aurait-t-on assisté à une "dé-participation" au Grand débat numérique ?

Maintenant, en ce qui concerne le nombre de participants, qu'en-est-il ? Car, bien évidemment, de même qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, il ne faut pas confondre participations et participants. Lorsqu'on regarde alors le nombre de participants à travers les quatre grands thèmes imposés par Emmanuel Macron (transition écologique, fiscalité et dépenses publiques, démocratie et citoyenneté, organisation de l'État et des services publics), on constate qu'au 3 mars, 227.702 participants ont rempli le questionnaire du premier thème, 224.409 celui du deuxième, 214.763 celui du troisième et 211.290 le questionnaire du quatrième thème. La question est de savoir si ces deux cent et quelques milliers de participants pour chacun des quatre thèmes sont à additionner ou s'il s'agit globalement des mêmes personnes. Dans le premier cas, cela laisserait entendre que huit cent et quelques milliers de personnes se seraient contenté de répondre que très partiellement au questionnaire.

Du reste, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon, dès le 18 février, soulignait qu'"En réalité, 175.000 personnes différentes ont réellement participé. Et 53.000 n'ont répondu qu'à des questionnaires rapides. Si on ne compte que les personnes qui ont fait une contribution “détaillée”, c'est 122.000."

La plate-forme voulue par Macron n'aurait donc pas le succès qu'il en attendait ? Sur 46 millions d'électeurs, 800.000 au mieux ou, plus vraisemblablement, 225.000 participants : on est loin d'un ras-de-marée numérique de la startup nation et d'une victoire pour le Président. Avec 225.000 participants, on serait à 0,46 % de participation ! Si on rapproche ce chiffre de celui des gilets jaunes qui, semaine après semaine, parcourent les rues de nos villes ou arborent un gilet jaune sur leur tableau de bord, il est même très faible, sans commune mesure avec ce que nos journalistes nous annoncent comme une victoire présidentielle. Serge July ne s'y est, d'ailleurs, pas trompé car il a lui-même rétabli cette contre-vérité, sur le plateau de LCI.

Il reste moins de deux semaines avant la clôture de ce grand débat numérique. Deux semaines où l'on va, sans doute, nous imposer notre Président, en bras de chemise ou pas, sur tous nos petits écrans.

Alors, ces chiffres de participation au grand débat numérique : fake news ou nullité en calcul ?

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Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

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