Les incohérences du statut de l’embryon

berceau

Cette décision de la Cour suprême de revenir sur le droit à l'avortement aux États-Unis est une véritable onde de choc. Avec des effets en France où se pose la question de faire entrer l'IVG dans la Constitution. L'ancien archevêque de Paris, Mgr Aupetit, a très vite réagi : « Beaucoup d'agitation autour de la décision de la Cour suprême des États-Unis. Peut-être est-ce l'occasion de réfléchir enfin au statut de l'embryon : chose ou personne ? »

Une véritable question. En principe, notre droit ne reconnaît pas le statut de « personne humaine » au fœtus (six à huit semaines depuis sa fécondation) ou à l'embryon (à partir de la sixième semaine de grossesse). Il est considéré comme une chose (res). Ce qui permet de légitimer l'avortement depuis la conception de l'enfant jusqu'au terme de la grossesse (en cas d'IMG, interruption médicale de grossesse). Et d'autres pratiques moins connues comme la recherche médicale sur les embryons, leur conservation et leur destruction au bout de cinq ans s'ils n'ont pas fait l'objet d'un projet parental (PMA, GPA ou bébé médicament pour soigner un frère ou une sœur) ou de recherches scientifiques (en 2019, par exemple, on dénombrait, en France, 256.826 embryons congelés).

Une règle qui empêche les juges de condamner le responsable de la mort d'un enfant in utero pour homicide involontaire. Cécile Carré en a fait l'amère expérience. En juin 2017, alors qu'elle est enceinte de six mois, elle est victime d'un grave accident de la route causé par un chauffard en état d'ébriété. Son bébé, Julie, décédera quelques heures plus tard. Cécile accouchera d'un enfant mort-né. Le début d'un long combat pour cette mère ulcérée que les juges ne reconnaissent pas l'homicide de son enfant. Elle confie à Boulevard Voltaire : « Julie n'est pas un déchet, c'est un enfant. Lorsque je l'ai tenue dans mes bras, elle avait 24 semaines elle pesait 500 grammes, elle avait les yeux bleus et la peau claire... » Mais, conformément à la jurisprudence française, le responsable de la mort de Julie sera condamné à 30 mois de prison - dont 22 avec sursis - pour « blessures aggravées sur la jeune femme ». Seule la cour d'appel de Tarbes avait fait exception à la règle en 2014 en reconnaissant coupable d'homicide volontaire un automobiliste dans une affaire similaire : « Un jugement qui sème le trouble », avait alors souligné La Dépêche.

A contrario, et dans certains cas, notre législation reconnaît des droits spécifiques à l'enfant in utero, comme toute personne juridique puisqu'il lui est possible, dès lors qu'il était déjà conçu, d'hériter (article 725 du Code civil), de bénéficier de donations (article 906 du Code civil) et jusqu'à, comme dans cette affaire tranchée par la Cour de cassation en 2020, se voir indemniser pour le préjudice causé par la mort de son père. À condition d'être né selon le principe infans conceptus.

De manière tout aussi surprenante, le législateur multiplie les mesures pour adoucir les peines des parents dont l'enfant est mort prématurément. L'association AGAPA, qui « écoute et soutient les personnes en souffrance à la suite de la mort d’un bébé autour de la naissance ou d’une grossesse », estime à 9,2 pour 1.000 naissances d'enfants nés sans vie (chiffres de l'année 2010). Elle dresse le tableau des « droits relatifs au deuil périnatal » comme celui de donner des obsèques à l'enfant et de lui donner une existence juridique par son inscription à l'état civil et au livret de famille (et jusqu'à ses noms et prénoms, depuis la loi du 6 décembre 2021).

Cécile Carré n'est pas au bout de son combat. Sans remettre en cause le droit à l'IVG - « les autres femmes font ce qu'elles veulent » -, elle a ouvert une page Facebook Justice pour Julie et se bat « pour la reconnaissance des droits des enfants à naître ». Juste après le drame, sa pétition adressée à Emmanuel Macron avait recueilli plus de 100.000 signatures. Une histoire à l'image de notre société à laquelle notre État de droit n'offre qu'une solution parcellaire, incohérente et finalement schizophrène. Et ce n'est pas le débat à venir sur la constitutionnalisation de l'avortement qui pourra l'apaiser...

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Il faut savoir que des moyens de contraception existent : pilule, préservatif, stérilet et autres. L’ IVG avait pour but de protéger les femmes des viols, des risques de grossesses dangereuses ou de malformation du futur enfant.
    Actuellement l’ IVG est devenu le moyen de se débarrasser ( excusez : du coup du samedi soir ) ou de la rencontre internet. A combien de  » nettoyages  » en sont certaines?

  2. il est bon de faire un bilan. Les USA en sont à 2000 IVG par jour, multipliez ce nombre par 50 ans
    La France + de 200.000 / an x 50 ans et de 7 semaines nous passons à 14 de grossesse.
    Le plus étonnant est que ces femmes prétendent aimer les enfants
    Après la sixième semaine le coeur d’ un embryon bat, elles n’ ont même plus l’ excuse du foetus.

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