
On sait que le numerus clausus instauré pour les études de médecine est une guillotine sèche pour des milliers de jeunes Français qui ont non seulement la vocation, mais surtout des résultats plus qu’honorables en fin de premier année. D’où l’importation de médecins étrangers, aux connaissances parfois lacunaires et sans doute censés, comme on n’ose plus le dire des éboueurs, « accomplir les tâches dégradantes que les Français ne veulent plus faire »…
Heureusement, Macron vint, avec une inévitable réforme desserrant un peu le garrot mais instituant au passage une nouveauté : une ou plusieurs épreuves orales. Ne portant pas sur ce qu’on a étudié toute l’année, mais sur - ce que résume Vincent Deramecourt, assesseur PACES, PASS et L.AS à la faculté de médecine de Lille à L'Étudiant - « les compétences transversales, les relations humaines, l’aisance à l’oral, l’empathie, […] dans un contexte bienveillant avec le jury, car l’objectif est qu’il y ait un dialogue ». Un peu comme le grand oral de l’ENA, où l’on vous demande la profondeur de la Vistule à Cracovie (répondre « sous quel pont ? »). Pourquoi pas, après tout, encore que des sujets comme la fin de vie, la pertinence du secret médical ou le statut de l’embryon humain sembleraient plus adaptés à la vie professionnelle future des impétrants. Plus, en tout cas, que… la situation de la Grande Barrière de corail, donnée comme sujet d’oral à Tours ! Plus fécond, également, aurait été un entretien avec un psychologue, pour dépister autant que possible les personnalités pathologiques…
Mais admettons quelques oraux de dix minutes. Ils étonnent déjà par leur poids spécifique par rapport aux examens de connaissances, puisque Le Figaro révèle qu'à l'université de Paris,« l'oral compte pour 72 %, contre 28 % pour les écrits ! » Et alors que les épreuves écrites sont corrigées sous la houlette de grands professeurs de médecine, le plus grand flou règne sur les examinateurs des oraux : formation ? Compétence ? Homogénéité des notations ? Au total, vous pouvez donc avoir rédigé sans faute le cheminement anatomique des douze branches de la carotide externe mais être recalé pour avoir été jugé un peu léger - et par on ne sait qui - sur l’effet délétère de votre pot d’échappement sur l’écosystème marin d’Australie !
Et on devinera sans peine ce que sous-tend cet autre sujet ébouriffant donné par la fac de Paris : « Dans un musée, on voit une enseigne d'une ancienne chocolaterie du XVIIIe siècle avec un domestique noir qui sert sa maîtresse blanche. Le nom de la chocolaterie est “le nègre joyeux”. Qu'en pensez-vous ? » On imagine la note attribuée à l’étudiant qui répondrait que « c’était l’bon temps ! » Bref, on en revient à la célèbre note de gueule. Jadis, elle permettait aux enfants de mandarins une ascension fulgurante dans le métier. Demain, sélectionnera-t-elle sur le genre, l’admiration pour Greta Thunberg ou la proportion de mélanine dans l’épiderme du candidat ? Après tout, c’est peut-être le but…
les fossoyeurs de la santé !!