Les dessous de la crise diplomatique : Darmanin parle, Meloni agit

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Gérald Darmanin, le matamore de Tourcoing, vient de nous offrir une des plus grossières diversions politiques qui soient, une bourde de classe internationale qui provoque - excusez du peu - une crise politique violente et soudaine avec l’Italie. Impuissant à résoudre la crise migratoire à Mayotte comme en France métropolitaine (au fait, où en est-on, du nombre d’OQTF exécutées ?), il a tenté de détourner le regard des Français. Espérant masquer son inefficacité par une attaque en règle contre Giorgia Meloni, il l’accuse de ne pas savoir gérer une gigantesque crise migratoire dont on peut craindre qu’elle soit comparable à celle de 2015.

Un coup de poignard dans le dos

De l’autre côté des Alpes, politologues, journalistes, ministres, politiques... sont vent debout contre « l’arrogance française ». Antonio Tajani, le ministre des Affaires étrangères italien (Forza Italia, centre droit berlusconien) pourtant réputé modéré, très introduit à Bruxelles, a aussitôt annulé sa visite à Paris malgré deux appels téléphoniques de Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères et ancienne ambassadrice de France à Rome, pour tenter de désamorcer la crise. Le 5 mai, il explique dans les colonnes du Corriere della Sera : « Il y a une attaque à froid, comme un coup de poignard dans le dos, par un membre éminent du gouvernement de la France. Ce ne sont pas des choses qu’on peut ignorer. Mais le reste de l’exécutif de Macron ne pense pas comme Darmanin. Le communiqué (de Catherine Colonna) n’est pas suffisant parce qu’il n’y a pas d’excuses, cependant on observe du côté français tant le regret que l’embarras sur ce qui s’est passé. » Et de conclure : « Nous sommes un grand pays, démocratique, fondateur de l’Union européenne, avec une histoire millénaire. Nous exigeons le même respect que celui que nous avons envers nos alliés. Nous exigeons que notre histoire, notre prestige, notre dignité soient respectés. Un ministre étranger ne peut pas se permettre de faire ce que ce monsieur a fait. D’ailleurs, dans ce cas, il s’agit d’un politicien considéré comme très proche du Président de la France, donc il fait aussi du mal à Macron. »

La classe politique italienne à l'unisson

De la belle ouvrage diplomatique de la part de Gérald Darmanin, qui n’en est pas à sa première bourde avec le gouvernement italien : n’avait-il pas déclaré que l’Italie se comportait en « pays ennemi » lors de l’affaire de l’Ocean Viking, en novembre dernier, si mal gérée par son ministère que tous les migrants accueillis en France, à grand renfort de démonstration de vertu républicaine, ont tous, depuis, disparu dans la nature ?

Toute la classe politique italienne est évidemment à l’unisson d’Antonio Tajani et les couloirs du Parlement italien comme de Bruxelles bruissent de réactions indignées. Pour Carlo Fidanza, chef de délégation des Frères d’Italie au Parlement européen cité dans Il Giornale, l’exécutif français est « en crise de consensus évident ». Le pouvoir français « voit les oppositions, à droite comme à gauche, croître de manière significative dans les sondages, poursuit Fidanza. Le ministre Darmanin lui-même montre qu’il ne peut pas gérer l’ordre public et ferait bien de s’occuper des quelques milliers de fauteurs de troubles qui, depuis des mois, mettent à feu et à sang les villes françaises. »

N’en jetez plus… Mais qu’en est-il du cœur du problème, de la gestion migratoire du gouvernement Meloni ?

Beaucoup attendaient, espéraient des actions spectaculaires, à la Salvini (actions qui lui ont valu de nombreux procès), fermeture des ports, blocus navals. La France, pays immigrationniste le plus généreux d’Europe en matière d’aides sociales aux étrangers, dont les gouvernements, de droite comme de gauche, ont créé en quarante ans un véritable système d’appel d’air pour les étrangers clandestins, comptait sur l’Italie, dont les frontières sont quasi exclusivement maritimes, pour stopper une immigration qu’elle a fortement suscitée. Le paroxysme du « en même temps » et une situation dont, pour dire vrai, Emmanuel Macron et même l’insignifiant Darmanin ne sont pas les seuls responsables. Car le droit maritime, les accords internationaux signés par l’Italie et la pression de Bruxelles, dont le gouvernement Macron est le plus fervent zélateur, entravent, ou tout au moins encadrent strictement, la politique migratoire italienne.

Trois piliers de la politique d'immigration italienne

Une politique italienne qui mérite l'intérêt. Le décret-loi « Cutro » vient tout juste d’être approuvé au Parlement (le 4 mai) et doit être maintenant converti en loi. Comme le rapporte Il Giornale, il s’appuie sur trois piliers.

Tout d’abord, la lutte contre les passeurs et autres trafiquants d’êtres humains se durcit et s’étend sur le plan pénal et financier. Ensuite, le gouvernement souhaite réguler les flux d’immigration légale, avec des quotas fixés, pour un temps déterminé, selon les indications du ministère du Travail : il s’agit de parer aux besoins du travail saisonnier, besoins importants dans ce pays encore très agricole et dont, par ailleurs, l’économie du tourisme représente 6,4 % du PIB.

Enfin, la création de nouveaux hot spot d’accueil pour décharger ceux déjà existants - les milliers d’arrivées chaque jour par bateau rendent la situation intenable à Lampedusa - permettra d’étudier plus rapidement qui a droit à l’asile, ou pas. À ce sujet, Stefano Pilotto, universitaire italien, dans une tribune publiée dans FigaroVox, explique que l’une des raisons de cet afflux massif de clandestins sur le sol italien doit être analysée à l’aune de la politique migratoire des gouvernements précédents, Draghi et Conte. Ils avaient créé une disposition de protection humanitaire spéciale qui, de fait, empêchait tout rapatriement de clandestin débouté du droit d’asile. Cette disposition vient d’être fortement restreinte par le gouvernement Meloni, qui reprend à ce sujet les dispositions prises en son temps par Matteo Salvini.

Un premier pas dans la bonne direction, à poursuivre pour ne pas risquer l'insuffisance face à l’urgence. Cette disposition a néanmoins le mérite d’exister, ce qui n’est pas le cas dans la France de Darmanin.

Meloni veut s'inspirer des modèles danois et britannique

Dans le même temps - ce que les médias français disent peu -, Giorgia Meloni et ses ministres Antonio Tajani  (Affaires étrangères) et Matteo Piantedosi (Intérieur) développent depuis leur arrivée au pouvoir une intense activité diplomatique en Méditerranée, en Afrique du Nord et en Libye, afin de nouer des accords pour le rapatriement des clandestins. Giorgia Meloni entend également s’aligner sur les modèles danois et britannique : étudier les demandes d’asile directement en Afrique, ce qui réduirait drastiquement le pouvoir d’attraction de l’Europe.

Pour ce faire, elle réclame, depuis son arrivée au pouvoir, une collaboration en actes - politiques et financiers - de l’Union européenne afin de mettre l’institution face à ses responsabilités. Pour l’instant, Ursula von der Leyen s’est fendue d’une lettre de soutien… Un sommet sur ce sujet est néanmoins prévu en juin.

Et le blocus naval ? N’était-ce, comme beaucoup le disent, qu’une promesse de campagne sitôt abandonnée, une escroquerie populiste ?

Il y a, en Italie, un précédent : en 1997, le gouvernement de gauche dirigé par Romano Prodi avait bloqué l’entrée de navires chargés d’Albanais lors de l’afflux migratoire provoqué par une grave crise politique. Mais cela avait été géré dans le cadre d'un accord entre le gouvernement italien et le gouvernement albanais.

En novembre dernier, Giorgia Meloni déclarait à la Chambre des députés, en s’adressant à l’opposition : « Vous nous avez accusés de vouloir mettre en place un blocus naval, mais j’ai toujours dit qu’il fallait le mettre en place avec les autorités européennes, en accord avec les autorités africaines. Je n’ai pas changé d’avis, je travaille toujours pour une mission européenne. »

Pendant que Gérald Darmanin faisait de la politicaillerie sur RMC, Giorgia Meloni recevait, le 4 mai, le général libyen Haftar, dont les forces militaires contrôlent la Cyrénaïque, d’où vient une partie des 42.000 migrants arrivés depuis janvier en Italie, afin d’évoquer le sujet migratoire. Il y a ceux qui parlent... et ceux qui agissent.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Darmanin est gros parleur pour ne rien faire il y a longtemps que nous n’avons pas eu un gouvernement d’incapable comme eux

    • En effet. Qu’attendre de ce mini-ministre( qui lorgne sur le fauteuil présidentiel en 2027) incapable de juguler l’immigration dans un seul de nos département( Mayotte), pour prétendre parvenir à la stopper à l’échelon de tout le pays?

    • Lorsque l’on interdira aux bi nationaux de devenir députés et après ministres, on aura fait un grand pas !! Ces gens là resteront toujours à la botte de leur pays d’origine, et donc ne mettront jamais de frein efficace à l’immigration. Ce gouvernement soigne les effets et non les causes !!

  2. Darmanin est comme son maître et ses collègues, ça parle et gesticule beaucoup mais ça n’agit jamais ! Ils savent même donner des leçons aux autres alors qu’ils sont incapables de les mettre eux-mêmes en pratique. Nous connaîtrons la fin du monde bien avant que ça bouge ! Si Macron n’agit pas fermement pour se tirer d’affaire, c’est qu’il donne raison à Darmanin. Il a intérêt à le remplacer rapidement.

  3. L’équipe Macron est vraiment obsédée par MLP. Ils en ont vraiment peur car le chaos prédit par Jupiter en cas d’élection de MLP est en fait déjà là grâce à lui.
    Et la contre-attaque est que madame Borne veut recevoir les syndicats mais séparément : diviser pour mieux régner sans doute

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