Le Petit Robert nouveau est arrivé
Le Petit Robert nouveau est arrivé avec les nouvelles « pépites de la langue de Molière » : 109 mots. Alain Rey, son rédacteur en chef, linguiste, lexicographe, connaisseur en sémantique et fin observateur de la langue française dans toutes les classes sociales, prend l’air du temps, comme toujours. Surtout politique.
Ne sont pas nouveaux des mots bricolés comme anti-casseur ou lanceur de balle de défense. Faire du cardio-training pourra-t-il rivaliser avec « faire catleya » de Proust ? Le coworking, jober (exercer un job), le niaisage (perdre son temps, nez au vent) ne sont pas des néologismes mais le transfert, habituel à ce dictionnaire, toujours dans le vent, de mots anglais dans notre langue : le globish boboïser, un nouveau mot ? Why not? Infox, certainement. Mais avec ou sans e ? Écopâturage, pourquoi pas ? Les data, oui, derrière Big. Teaser : exaspérant. Un mot dont on ne sait pas comment le prononcer est absurde : ainsi runner.
Dans son Tsun-Dico, Sabine Duhamel, elle, a rassemblé des mots « intraduisibles ». Sauf que ne pouvoir traduire un mot d’une langue dans une autre signe l’échec d’un parlant. Intraduisible n’est pas français. Pourquoi ne pas avouer le plaisir, délicieusement snob, de dire, dans la langue d’origine, le mot qui a un équivalent en français : le Sehnsucht, le Vorfrühling ? En attendant, Le Petit Robert se vend : c’est un dictionnaire en marche.
On dit que « la langue » de Racine est « loin de la nôtre ». En quoi ? Le dédain aristocratique pour l’orthographe et l’argent a fait son temps. Merci à l’orthographe et à la ponctuation qui ont « normalisé » les textes. À la politesse de l’écrit qui s’est développée avec l’alphabétisation et la démocratisation de l’enseignement et qui fait défaut aujourd’hui. Les « fautes » d’orthographe sont grammaticales. Quant au génie, il est toujours libre comme l’air !
En vérité, derrière l’entrée d’un nouveau mot, il y a du fric et de la politique, de l’actu et du laisser-aller, du « multicultu » et de l’idéologie : par exemple, le rejet de l’étymologie latine au point d’avoir féminisé la lettre e ! Pauvre frère et pauvre sœur ! Pauvre philosophe ! À chaque entrée d’un nouveau mot, demandez-vous donc : « À qui profite le crime ? » Une marque de sport, un lobby ?
Dans son livre érudit et charmant, Il nous faudrait des mots nouveaux, Laurent Nunez (pas le collaborateur de Christophe Castaner, l'autre...) dit qu’un mot nouveau, c’est une vie nouvelle. Sage, il répertorie treize mots. Heureux serez vous bientôt, ô lecteur ! Vous n’adopterez peut-être pas le mot drapetomania, mais peut-être litost, et vous vous serez enrichi d’Aragon, Kleist, Stendhal, Hésiode (traces), Genet, Schönberg, Kundera.
Le chat s’appelle Musil : il est blanc, bleu et rose. Quand son maître rentre, le soir, Musil a une transe de bonheur. Mais il manquait, au chat et au maître, un mot pour désigner ce bonheur. Son maître l’a trouvé. Lisez le livre. Et nous, concluons. Le bonheur en poche ? C’est un Bled, un Bescherelle, un bon dictionnaire. En attendant l’entrée, dans le dictionnaire de l’Académie française, du mot empouvoirement pour désigner le féminisme qui s’est « emparé » de notre langue, et qui a tout pour plaire.
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