Le Liban connaît une crise politique, économique et bancaire : les manifestations qui se sont succédé ont amené la démission du Premier ministre milliardaire Saad Hariri, remplacé par l’homme d'affaires Hassane Diab. Mais, alors que M. Hariri était à la tête d’un gouvernement d’union nationale, M. Diab n’est soutenu, au Parlement, que par les partis chiites (Amal et Hezbollah) et les partisans du président chrétien Michel Aoun.

L’ancien pouvoir aux abois avait essayé d’augmenter les recettes en taxant les plus pauvres : son projet de taxe sur WhatsApp, un réseau social prisé des Libanais, a provoqué les manifestations. Depuis, la crise économique s’est aggravée. Le Liban est endetté (9,186 milliards de dollars de dettes, en décembre 2019, soit plus de 150 % du PIB). Il devait, notamment, rembourser, ce 9 mars, 1,2 milliard d’eurobonds alors que ses caisses sont vides. Le recours au FMI est rejeté par le Hezbollah : ce mouvement prétend défendre l’indépendance du pays, refusant en fait l’ingérence éventuelle, par le biais du FMI, des États-Unis. Washington, en effet, applique à son encontre des sanctions financières drastiques qui sont en partie à l’origine de la crise.

La présidence de la République du Liban vient d’annoncer que le pays n’honorera pas ses engagements et, donc, que le pays du Cèdre est en cessation de paiements. Le but est de faire pression sur les créanciers pour les obliger à réaménager la dette et à la rendre soutenable. Comme cela a été le cas en Grèce ou en Argentine, les négociations finiront par aboutir, les créanciers préférant perdre le tiers de ce qu’ils avaient prêté plutôt que de ne rien recevoir.

Parallèlement, M. Diab serait sur le point d’annoncer des mesures d’austérité sans précédent : on appliquerait une décote sur les dépôts bancaires au-dessus d’un certain seuil (en clair, on confisquerait 20 % ou plus des placements bancaires), on augmenterait la TVA, qui passerait de 11 % à 15 % sur certains produits, on augmenterait l’essence (actuellement subventionnée) ainsi que l’électricité publique. Enfin, la livre libanaise, qui s’effondre sur le marché noir, verrait son cours officiel fortement dévalué, ce qui augmenterait le prix des produits importés. Une thérapie de choc !

En outre, le Liban connaît une dramatique crise bancaire. Les retraits sont drastiquement limités et les transferts d’argent interdits, ce qui rend furieux les Libanais : ils ont peur de perdre tout ou partie de leurs économies. Les contestataires exigent que les « corrompus » paient la note. En effet, sept milliardaires possèdent, ensemble, dix fois plus que les 50 % des Libanais les plus modestes. Les Libanais sont d’autant plus en colère que les grandes fortunes, bénéficiant de complicités bancaires, auraient contourné l’interdiction des transferts et réussi à envoyer leurs fonds à l’étranger. En représailles, le procureur financier a gelé les avoirs des vingt plus grandes banques et de leurs dirigeants, mais la mesure a été levée par le procureur général au bout de quelques heures, ajoutant à la confusion.

Le naufrage du Liban est un avertissement pour la France : nous découvrons, ainsi, les mesures qui seraient prises si la dette de notre pays devenait incontrôlable. Rassurons-nous, cependant : notre déficit n’est qu’à 100 % du PIB. Nous avons encore de la marge pour arriver à 150 %...

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08 mars 2020 à 20:15

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