Un étrange phénomène se déroule en Occident, et particulièrement dans notre pays. Certaines formes de pensée paraissent de plus en plus inspirées par le désir de nier, voire de détruire le socle, les racines qui fondent ou nourrissent ce que nous sommes ou ce que nous pensons.

Cette autodestruction prend la forme d'une mécanique infernale dans laquelle des personnes qui ne sont pas absolument dénuées d'intelligence fonctionnent comme des automates de la pensée. On est tenté de chercher un terme pour désigner ce qui correspond à une sorte de pathologie de l'esprit.

Louis Pauwels avait évoqué le SIDA mental, et avait dû faire machine arrière devant le scandale provoqué par ce mot tabou.

Celui qui préfère systématiquement l'autre au même, l'étranger au compatriote, le déviant au normal pourrait se dénommer "l'autriste", ou encore "l'allophile". Alain Finkielkraut avait utilisé, dans L'Identité malheureuse, un terme emprunté à l'anglais Roger Scruton, l'« oikophobie », la haine de la maison natale, ce qui me paraît à la fois bien trouvé et insuffisant car l’habitat conditionne l'habitant mais ne lui confère pas cette identité à laquelle certains vouent une hostilité singulière et mortelle.

Le génie occidental a inventé l'esprit critique, le doute libérateur, la destruction créatrice. Le problème est qu'aujourd'hui, la machine s'est emballée. Elle tourne à vide. Elle est devenue folle.

La critique tournée vers soi, vers les idées, voire les préjugés dont on hérite, s'accompagne d'une naïveté, d'un aveuglement à l'égard des préjugés des autres. Il serait coupable de les souligner. Ce serait la mauvaise action du dominant à l'encontre du dominé. Par exemple, la dénonciation du racisme blanc doit ignorer le racisme anti-blanc, le justifier socialement et moralement quand le premier est injustifiable.

L'esprit critique rationnel a été contaminé par Marx. Celui-ci pensait que l'idéologie dominante d'une société était celle de la classe qui la domine. Avec l'abolition de ce système et la fin de l'idéologie, le prolétariat universel devait atteindre à une pensée libérée et objective. L'ennui, c'est que la classe ouvrière tend à disparaître et, avec elle, l'hypothèse du Grand Soir. Alors, comme un canard sans tête, le schéma dominant/dominé continue à courir dans tous les sens.

Quelques exemples peuvent illustrer cette dérive. Récemment, madame Schiappa expliquait que dans certains territoires de la République, cette égalité était en recul, menacée dès le plus jeune âge. À aucun moment l'honorable ministre ne fait allusion au fait que ce ne sont pas les territoires qui sont en cause, mais la religion des intéressés, l'islam. Elle ne le peut pas, car ce serait mettre en cause le dominé, l'immigré musulman, par rapport au dominant, à l'indigène chrétien, ex-colonisateur : impensable ! Poussée néanmoins à révéler l'évidence, elle opère un acrobatique "rien à voir", en circonscrivant la difficulté aux "salafistes", tout en l'accompagnant d'un amalgame : les parents de "la Manif pour tous ou Mme Le Pen" seraient pareils, puisqu'ils ont des réserves sur l’IVG. Consternant !

Un pont plus loin dans la dérive, on a le travail d'une universitaire. Elsa Dorlin, dans Se Défendre, évoque la violence et la légitime défense en inversant systématiquement leur signification. La "violence légitime" de l'État de Max Weber ou la légitime défense de l'agressé, chez lui, la nuit et par effraction, pour être précis, ne l'intéressent pas. Ce sont les arguments du dominant. Au contraire, le droit de se défendre légitime celui qui se protège de la puissance publique. Du ghetto de Varsovie aux patrouilles "queer" pour les homosexuels, le combat est le même... comme si la réalité était identique. Nous en sommes arrivés à ce qu'une universitaire traduise en un livre "doctement professoral" le stupide slogan soixante-huitard "CRS = SS". Le policier transformé en torche vivante suffit à rendre ce pensum odieux.

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02 décembre 2017 à 17:27

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