Laurent Dandrieu : « L’Académie française s’est grandie en acceptant François Sureau parmi ses membres »

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L’avocat et écrivain, ancien élève de l'ENA et proche d'Emmanuel Macron, François Sureau, âgé de 63 ans, a été élu, jeudi 15 octobre, à l’Académie française, portant à 34 sur 40 le nombre de sièges actuellement occupés sous la coupole.

Laurent Dandrieu présente le nouvel académicien et son œuvre, « originale et cohérente qui compte parmi les œuvres majeures de la littérature française contemporaine ».

L’Académie française compte un nouvel immortel. François Sureau a été nommé membre de cette prestigieuse institution. François Sureau est un haut fonctionnaire, mais surtout un intellectuel et un écrivain. Vous avez eu l’occasion de parcourir ses œuvres. La place de François Sureau est-elle méritée ?

Pour moi, cette élection est une très bonne nouvelle. Je trouve que l’Académie française s’est grandie en acceptant François Sureau parmi ses membres. Il n’est pas forcément le plus connu des écrivains contemporains et le plus célébré par la critique. Il est, pour moi, l’un des plus importants, avec une œuvre très originale et très cohérente qui compte indubitablement parmi les œuvres majeures de la littérature française d’aujourd’hui.

Peut-on dire de François Sureau que c’est un conservateur, au sens intellectuel du terme ?

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet. Il y a une sorte de grand écart entre le Sureau homme public qui prend des positions politiques parfois plus du côté progressiste. Il est notamment assez proche d’Emmanuel Macron. Il a des positions en faveur des réfugiés qui le situent plutôt sur l’aile gauche de l’échiquier politique. Et une œuvre littéraire qui est très marquée par le poids du passé, par le poids de l’héritage, par la transmission et par le poids de l’Histoire. Ce n’est pas tout à fait conforme au canon de l’époque. S’il devait se définir, il choisirait probablement le terme de libéral. Ce qui l'intéresse, dans le passé, ce n’est pas naturellement le passé pour le passé, mais ce qui survit à l’usure du temps et ce qui témoigne, par cette survivance, de la présence de l’éternité au cœur du quotidien. Le grand thème de l’œuvre romanesque et littéraire de François Sureau est une forme d’étrangeté au monde. Ce sentiment que nous sommes à la fois de ce monde et en même temps complètement étranger à lui. D’une certaine façon, la réalité dans laquelle nous nous déployons est un simple reflet très imparfait d’une réalité tout à fait autre à laquelle nous sommes appelés. Cette œuvre est naturellement très travaillée par l’influence du catholicisme, même si François Sureau n’est pas un romancier catholique au sens où son œuvre serait une illustration ou une défense de la foi. En revanche, il est certain qu’il a un rapport au monde très marqué par le catholicisme et la croyance en une vie surnaturelle.

Il est connu dans le milieu catholique pour sa fascination et sa recherche vers la personne de Charles de Foucauld. Charles de Foucauld était officier et a fini prêtre et ermite dans le désert marocain. Cela rejoint totalement ce que vous dites.

Dans son œuvre, deux ouvrages sont des essais biographiques. L’un consacré à Charles de Foucauld et l’autre à Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites. Ce qui l’a intéressé, dans ces deux personnages, c’est le phénomène de la conversion. Ces deux personnages ont développé une forme évidente de sainteté à partir d’une vie qui était plutôt le contraire de cela. Ils étaient dans les excès d’un monde. Ils ont eu une sorte de retournement intérieur où ils se sont découverts eux-mêmes à travers la foi. C’est encore une illustration de cette thématique qui parcourt toute l’œuvre de François Sureau. Cette vie terrestre n’est pas notre véritable patrie. Tout le travail que nous avons à faire sur nous-mêmes, traverser les apparences du quotidien pour arriver à la réalité la plus profonde, qui est surnaturelle.

Quelle serait l’œuvre de François Sureau que vous recommanderiez ?

Son quasi-coup d’essai reste son coup de maître. Son vrai premier roman a été publié sous le titre L’Infortune. Ce roman se passe à la Belle Époque. On est en plein dans ce rapport très important au passé dont je parlais à l’instant. C’est à travers un personnage qui a eu le sentiment d’être passé à côté de sa vie, en dépit de succès mondains importants. C’est ce rapport un peu distant et inquiet au monde de François Sureau qui est fouillé, creusé et développé dans ce roman absolument magnifique.

Laurent Dandrieu
Laurent Dandrieu
Journaliste, critique de cinéma

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