Latin et grec dans le nouveau baccalauréat : le compte n’y est pas
Les professeurs de lettres classiques sont de grands blessés. Et les élèves qui étudient le latin et le grec, en France, des rescapés. S'ils sont encore là, c'est que les premiers ont arraché de haute lutte, face à la réforme de Najat Vallaud-Belkacem, qui, rappelons-le, ignorait complètement ces enseignements dans sa première mouture, quelques miettes pour survivre. Il n'empêche : le mal a été fait et les chiffres sont là : les horaires en collège ont fondu, souvent divisés par deux, et le nombre d'élèves latinistes et hellénistes a dramatiquement chuté sous le quinquennat Hollande.
L'arrivée de M. Blanquer rue de Grenelle a donc été saluée par tous ceux qui, bien au-delà de ce village gréco-romain menacé, n'ont pas apprécié que l'on sape davantage ces fondements de la culture française. Certes, il y a eu un nouvel état d'esprit : les associations, comme la CNARELA (Coordination nationale des associations régionales des enseignants de langues anciennes), étaient de nouveau reçues et quelques ajustements ont été consentis ici ou là.
Mais aujourd'hui, c'est l'inquiétude qui domine de nouveau. Car la réforme du bac 2021 avance à grands pas et ce qui faisait l'attractivité de ces enseignements optionnels - un coefficient 3 pour les points au-dessus de 10 - n'est, pour le moment, pas reconduit. Sous couvert de rationalisation, le latin et le grec n'apparaîtraient plus que dans les 10 % attribués à l'analyse du bulletin scolaire, avec les autres disciplines, et ne pèseraient plus grand-chose dans la note finale du baccalauréat, alors qu'une note moyenne ou bonne permettait à un élève de grappiller des points précieux et de décrocher une mention. Le Monde a fait le calcul : "En 2021, ces matières qui, auparavant, pouvaient rapporter beaucoup de points aux élèves ne procureront plus qu’un avantage marginal." Marginalisation : c'est le mot.
Certes, un module « Littérature, langues et cultures de l’Antiquité » figure parmi les douze enseignements de spécialité qui devront être proposés aux lycéens – en plus des enseignements de tronc commun. Mais le ministère a envoyé, début septembre, une note aux recteurs leur indiquant que sept de ces modules sur douze doivent être accessibles dans un « périmètre raisonnable ». Pas besoin de sortir son Gaffiot ou son Bailly pour traduire le jargon administratif : le module latin-grec, ce ne sera pas partout et on s'en passera dès qu'on pourra, surtout si, grâce à la réforme des collèges précédente, on les a presque tués dans tel ou tel coin.
Or, quand des espèces indispensables à un écosystème sont menacées, on prend des mesures de protection forte et d'interdiction des nuisibles. Il en va de même pour les enjeux de culture et d'éducation. Un affaiblissement supplémentaire du latin et du grec dans notre système éducatif serait un très mauvais signe à l'heure où les questions de civilisation, d'identité et de valeurs agitent toute la société française, bien au-delà du cercle des latinistes et des hellénistes. Ces gens-là, s'ils s'envolent souvent dans les idées platoniciennes ou Les Nuées d'Aristophane, savent aussi compter : les points, les coefficients, les horaires, les postes. Et, pour le moment, le compte n'y est pas.
Le latin et le grec ont besoin de discrimination positive.
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