Le hall du CHU de Rouen vient d’inaugurer une fresque : une petite babiole à 100.000 €… Baptisé Le fond de l’air par son géniteur, Paris Normandie décrit le bébé comme « un travail de peintre en bâtiment inachevé : larges aplats d'un jaune vif, çà et là entrelardés de blanc, aux lignes tantôt géométriques et tantôt pas, avec quelques lignes noires, droites ou courbes ». Heureusement, l’artiste vient au secours de l’échotier provincial, évidemment incapable de saisir les subtilités de l’art contemporain : « Les bandes, ou motifs de jaune oscillent entre écritures, partitions, plans, vues de dessus ou images flottantes. Le visiteur se trouve ainsi face à une mobilité des motifs, une perpétuelle oscillation qui viendront en écho à l’agitation constante du lieu, créant une dynamique des regards. » Là, tout de suite, on comprend mieux, surtout si on cherche le service d’ophtalmologie…

On devine la consternation des personnels hospitaliers qui, depuis des mois, sont en grève symbolique (on n’est pas dans les transports publics) pour obtenir des blouses propres ou une rame de papier !

Mais c’est la loi : mesure initialement réservée aux établissements d’enseignement en 1951, c’est jusqu’à la plus petite des sous-préfectures que Jack Lang et la décentralisation finiront par imposer de consacrer 1 % des sommes destinées à la construction du moindre projet architectural à la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine intégrée. Aux ronds-points, par exemple.

Depuis, ministère de la Culture, DRAC, FRAC (ou plutôt BRAC-le-contribuable) et autres strates administratives rivalisent de népotisme, magouillages et copinages d’alcôves, pour sélectionner des « artistes sans art et sans talent » et leur permettre « d'écouler leurs productions indigentes aux frais du contribuable » (dixit Luc Ferry, ancien ministre de l'Éducation nationale).

Et ce monde-là se protège bien. À l’heure où la moindre main baladeuse est étalée sur les réseaux sociaux à l’égale d’un crime contre l’humanité et met les féministes dans la rue, on a peu entendu parler, le mois dernier, de ce responsable des ressources humaines de la rue de Valois : il administrait à des candidates des diurétiques avant de les isoler jusqu’à ce qu’elles urinent devant lui, et si possible devant son téléphone portable. Plus de 200 femmes figurent dans le fichier Excel qu’il tenait soigneusement à jour : tout le service le surnommait « le photographe » ! Il vient d’être mis en examen mais, selon Libération, depuis dix ans, malgré des signalements à la police, à la médecine du travail, à deux ministres successifs, à Agnès Saal recasée comme chargée de l’Égalité et de la Diversité au ministère de la Culture, et plus récemment à Marlène Schiappa, rien n’avait été fait. Étonnante, non, l’épaisseur de l’édredon ?

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15 décembre 2019 à 9:55

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