« L’AFP est un navire pirate autogéré que plus personne ne sait ramener au port »

Gérard Bardy

Plusieurs semaines après le début du conflit en Israël, l'Agence France-Presse (AFP) fait circuler une note auprès de ses journalistes. Le qualificatif « terroriste » est désormais « proscrit » pour qualifier le Hamas. Un choix éditorial qui met en lumière le positionnement militant de l'Agence, selon le journaliste Gérard Bardy, passé par l'AFP et auteur des Combattantes de l'info (Télémaque, 2023).

Clémence de Longraye. Que pensez-vous du choix de l’AFP de ne pas qualifier le Hamas de groupe « terroriste » ?

Gérard Bardy. C'est, bien sûr, une erreur professionnelle grave et l'embarras qui a été celui de l'Agence pour expliquer sa position montre l'ampleur de cette faute. Ce qui est plus grave, c'est qu'il ne s'agit pas d'une erreur ponctuelle mais de la traduction d'une attitude constante de bienveillance envers les Palestiniens et leur bras armé. Depuis longtemps, l'AFP montre une sorte de faiblesse pour cette cause.

Quand l'AFP nous dit qu'elle traite l'information de façon factuelle sans qualifier les acteurs de cette actualité, c'est-à-dire qu'elle n'avait pas à qualifier le Hamas de terroriste, c'est la pire des façons de se défendre. Voulait-elle donc nous dire que c'était le peuple palestinien tout entier qui était responsable du pogrom du 7 octobre ? Non, bien sûr.

Il faut savoir (cela n'a jamais été révélé) que l'actuel directeur de l'information qui a produit ce communiqué explicatif est un Anglo-Saxon qui a pour « conseiller éthique » un autre Anglo-Saxon, ancien journaliste de l'Agence, qui passe sa retraite à ...Hong Kong ! Donc, très loin des réalités de cette affaire qui jette le discrédit sur toute l'AFP où j'ai été journaliste pendant quinze années.

C. D. L. L’AFP a longtemps été vue et décrite comme une agence neutre et factuelle. L’actualité montre-t-elle que l’AFP a en réalité un positionnement militant ? 

G. B. L'AFP a longtemps été une agence de référence dont les médias pouvaient reprendre les dépêches sans même les vérifier. Elle savait séparer les faits du commentaire, le témoignage direct du reporter de l'analyse de l'éditorialiste. Ces dépêches pouvaient être reprises autant par Le Figaro que par L'Humanité.

Mais nous en sommes très loin, et cela, depuis plusieurs décennies. Le cancer du gauchisme, du tiers-mondisme, de la contestation permanente de l'ordre établi a largement détruit la crédibilité de l'AFP. Sans doute 80 ou 90 % des journalistes de l'Agence sont engagés à gauche, avec un pourcentage important favorable à Mélenchon. Comme je le raconte dans mon dernier livre Les Combattantes de l'info, le seul parti politique qui avait un bureau au siège parisien de l'AFP était le Parti communiste ! Et les journalistes de l'Agence se rendaient par cars entiers aux congrès socialistes !

C. D. L. Malgré tout, l’AFP garde un pouvoir immense de mise en récit des faits, n’est-ce pas ?

G. B. Oui, l'AFP garde un pouvoir immense sur les médias car, d'une part, elle est la seule agence de langue française à avoir des bureaux dans le monde entier. Et, d'autre part, les rédactions étant majoritairement à gauche, il n'y a pas grand monde pour s'offusquer des manquement de l'Agence aux principes de neutralité. L'AFP est mollement installée dans l'ambiance de la pensée unique : écolo avec les écologistes, wokiste avec les déconstructeurs de notre civilisation, caisse de résonance de toutes les dissidences. Et jusqu'à la bavure révélatrice concernant le Hamas, cela n'effrayait plus personne...

Quant aux sources de l'information, il n'y a pas d'autres alternatives en dehors des agences de presse étrangères, toutes anglo-saxonnes. Et les médias français en difficultés financières, qui font déjà l'aumône auprès de l'État, ne peuvent plus se payer plusieurs abonnements à des agences. Ni avoir des correspondants permanents dans les grandes capitales du monde. Alors, chacun fait avec l'AFP...

C. D. L. Que pensez-vous du refus du ministre Rima Abdul-Malak de condamner fermement l’AFP ?

G. B. Mme Rima Abdul-Malak est plus prompte à menacer CNews, qui ne fait que contribuer au pluralisme des médias, qu'à condamner l'AFP qui, en refusant de qualifier le Hamas d'organisation terroriste, franchit toutes les limites admissibles. L'AFP ne pourrait pas exister sans le soutien financier de l'État (avec le fruit de nos impôts) mais, au titre de la sacro-sainte indépendance des médias, le ministre rechigne à dire ce qu'il pense. Elle est le produit sans saveur de cette pitoyable politique du « en même temps » qui conduit au discrédit de la France partout dans le monde. La communauté juive, notoirement présente dans les médias français, est indignée et elle a raison.

Je veux y voir une autre raison : l'AFP est devenue un navire pirate autogéré qui fait à peu près ce qu'il veut et que plus personne ne sait ramener au port !

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

41 commentaires

  1. Terrorisme selon le Larousse : « Ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation ou un individu pour créer un climat d’insécurité ». C’est oublier que le mot a pour origine historique « La Terreur » appliquée par Robespierre et signifie « Emploi systématique de mesures d’exception, de la violence pour atteindre un but politique (exercice du pouvoir…) » selon LE PETIT ROBERT (vieille édition). C’est beaucoup plus clair et l’AFP serait bien inspirée de se réinstruire… Car le HAMAS a bel et bien pour but de répandre la terreur par ses actes de violences afin d’exercer le pouvoir politique. Non ?

  2. Et dire qu’il y en a encore qui se demande pourquoi la presse alternative du net a tant de succès. Le bourrage de crâne gauchiste à tous les niveaux télé, presse, cinéma, théâtre….plus rien de réel rien que de l’orienté pour cerveaux mités.

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