Plus de cinq mois après l’offensive en Ukraine, le chef de la diplomatie russe était sur le continent africain. Cette tournée en quatre étapes réalisées en Égypte, en Ouganda et en Éthiopie est intervenue, hasard du calendrier ou simple coïncidence, au même moment que celle d’Emmanuel Macron qui s’est rendu tour à tour au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau.

Dans ce contexte, la France perd peu à peu de l’influence au profit de la Russie sur le plan sécuritaire, y compris dans son pré carré.

Moscou a signé la bagatelle de 21 accords de défense et de sécurité avec le continent africain, tout comme une quarantaine d’accords commerciaux, indique Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Il en est ainsi du Cameroun qui a signé, en 2015, et a renouvelé, en avril 2022, un accord de défense avec la Russie, au grand dam de Paris. Mais il y a plus, car tous les pays du G5-Sahel ont signé des accords de partenariat avec Moscou ; le dernier en date concerne la Mauritanie, en juin 2022.

Avec le conflit en Ukraine, cette guerre d'influence se joue aussi sur le terrain commercial et alimentaire. C’est ainsi que Sergueï Lavrov a affirmé que Moscou était prêt à « remplir toutes ses obligations », tout en réaffirmant que le blocus céréalier ukrainien a été résolu par l'accord avec la Turquie.

C’est ainsi que l'Union africaine (UA) s'est « félicitée », ce 23 juillet, de l'accord signé entre la Russie et l'Ukraine pour débloquer les exportations de céréales, un « développement bienvenu » pour le continent qui fait face à un risque accru de famine.

S’agissant d’économie, la Russie tente aussi d'étendre sa présence à d’autres régions et secteurs comme la construction, en Égypte, d’une centrale électrique à quatre réacteurs confiée à l’entreprise russe d’énergie atomique Rosatom.

Il va sans dire que sur le plan économique, la Russie pèse deux fois moins que la France en Afrique, et dix fois moins que la Chine. Un deuxième sommet Russie/Afrique devrait avoir lieu en 2023 à Saint-Pétersbourg.

Emmanuel Macron a certainement dû réaliser que la France était en train de perdre ses intérêts traditionnels dans son ancien pré carré africain au profit d’autres États. Tels que la Chine, le Brésil, l’Inde, ou bien encore la Turquie. Parfois au profit, même, d’autres États européens comme l’Allemagne, qui est aujourd’hui le premier exportateur européen vers l’Afrique.

Et il y a plus : afin de contrecarrer l’influence émergente de la Russie, M. Blinken, le secrétaire d’État des États-Unis, s’est rendu tour à tour en Afrique du Sud, au Congo Kinshasa et au Rwanda, qui connaît un regain de tensions avec son voisin congolais qui l'accuse de soutenir les rebelles du « Mouvement du 23 mars » (M23).

Qu’on se le dise, plus que jamais, l'Afrique est devenue un véritable enjeu de géopolitique !

Aujourd’hui, la Russie a le vent en poupe en Afrique. Ce regain d’influence est sans doute à attribuer à l'héritage de l'Histoire et à la nouvelle politique africaine de Moscou. Et si la diplomatie russe avait oublié l'Afrique depuis la fin de l'URSS, la crise ukrainienne de 2014 et les premières sanctions occidentales lui ont fait retrouver la mémoire. L’avenir n’appartient-il pas aux non-alignés tels que la Turquie et les BRICS qui regroupent le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, et bientôt l’Égypte et l’Arabie saoudite qui représentent plus de 40 % de la population mondiale et plus de 20 % du PIB ?

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09 août 2022 à 21:20

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