La gauche médiatique en pince pour le président Lula. Pourtant…

Lula

Au terme d’un second tour plus que serré (50,9 % contre 49,1 %), Luiz Inácio Lula da Silva a finalement défait son adversaire, Jair Bolsonaro. Chez nos confrères, la victoire est autrement plus claire : ils se félicitent tous du retour de Lula. Bref, ils se sentent tous Brésiliens. Étrange, tout de même, cette manie des journalistes français de commenter n’importe quelle élection se déroulant à l’étranger comme s’ils votaient dans les pays concernés. À les lire, les voir et les entendre, ils s’expriment comme s’ils avaient voté contre Donald Trump, Giorgia Meloni et Vladimir Poutine. Pour, ensuite, se désoler que les Américains, les Italiens et les Russes aient eu l’outrecuidance de ne pas suivre leurs conseils éclairés.

Avec la victoire de Lula, ils jubilent. Il n’y a pas forcément de quoi : Lula est certes de gauche et Bolsonaro de droite. Mais au pays de la bossa-nova, ces étiquettes sont-elles les mêmes que les nôtres ? Rien n’est moins sûr. Sur l’Ukraine, par exemple (là encore, nos médias sont encore plus ukrainiens que le président Volodymyr Zelensky), Bolsonaro, et Lula avant lui, se sont toujours montrés plus que rétifs à condamner la Russie.

Ainsi Jair Bolsonaro est-il parvenu à ce tour de force consistant à publiquement afficher sa neutralité dans le conflit russo-ukrainien, tandis qu'en mars dernier, son ambassadeur, Ronaldo Costa Filho, votait contre la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU, dont le Brésil est « membre non permanent ». Il est vrai que le futur ancien président brésilien ne dissimule pas une « certaine admiration » pour son homologue russe. Joli pas de deux. Ce n’est plus de la bossa-nova mais de la samba.

Avec Lula, cette ligne diplomatique ne devrait pas changer, tant le nouveau président est un traditionnel opposant de l’impérialisme américain, tendance plus que lourde en Amérique latine. Et là, ça risque de véritablement chauffer dans les rédactions parisiennes. Car Luiz Inácio Lula da Silva est aussi l’homme du BRICS, groupe fondé en 2011 par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, afin de contrer ce même impérialisme.

Pire encore, Lula est celui qui n’hésite pas à franchir cette autre ligne rouge consistant à entretenir des rapports plus que courtois avec la République islamique d’Iran. En 2009, il invite son président, Mahmoud Ahmadinejad, en visite officielle, politesse qui lui est rendue les 6 et 7 mai 2010. Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères, affirme alors : « Lula fait fausse route. » Et Le Monde de noter, le 14 mai 2010 : « Le président brésilien, reçu en ami, arrivera à Téhéran, auréolé d’un prestige rare aux yeux du pays hôte : il est hostile aux sanctions que les pays occidentaux préparent à l’ONU ; il milite pour le droit de l’Iran à développer son énergie nucléaire à usage civil. »

Signe de continuité de cette même diplomatie, la République islamique d’Iran, par le biais de son agence de presse officielle, l’IRNA, est l’un des premiers pays à féliciter le succès du premier des Brésiliens : « Nasser Kanaani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, a exprimé l’espoir que les relations de longue date fondées sur la bonne volonté et le respect mutuel entre l’Iran et le Brésil se développeront davantage sous la présidence d’Inácio Lula da Silva. […] Les deux pays ont eu une coopération croissante au cours des dernières années, en particulier dans les relations économiques et commerciales. […] La République islamique espère que ces relations seront renforcées et approfondies dans diverses dimensions au cours de la présidence de Lula da Silva. »

Là, ce n’est plus de la samba ou de la bossa-nova qu’on va danser, chez les journalistes. Mais du tango, un pas en avant et deux en arrière, histoire d’expliquer que celui qu’on adore aujourd’hui pourrait bien être le nouvel affreux de demain… Il est vrai que Lula, avant d’être de droite ou de gauche, a toujours été un patriote brésilien, notion pas toujours intelligible chez nos chers confrères.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

29 commentaires

  1.  » Lula est certes de gauche et Bolsonaro de droite. » La différence est ailleurs : Lula a été emprisonné, ce qui ne peut qu’attirer la sympathie de nos médias de gauche, soutiens inconditionnels de la mafia.

  2. La corruption officiellement déclarée n’empêche plus l’accès aux plus hautes fonctions. J’ai entendu dire que même notre ami Zelensky…mais je dois avoir des problèmes auditifs!

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