Nicole Belloubet, nouveau garde des Sceaux, vient de dévoiler dans les détails l'action qu'elle compte mener. Philippe Bilger réagit à ces annonces au micro de Boulevard Voltaire.

En lisant l'entretien dans Le Figaro, je suis un peu inquiet sur son intention de mener toutes les évolutions de front.
C'est généralement la manière la plus élégante pour dire qu'on ne fera pas grand-chose. Cette idée que la réforme implique d'aborder tous les chemins peut être une idée gratifiante sur le plan intellectuel. Sur le plan opératoire, en revanche, je crains qu'elle n'aboutisse à rien.
Au final, comme on ne peut pas faire tout, on décidera de ne rien faire.

Si j'ai bien compris, vos réserves sont surtout sur le plan méthodologique, n'est-ce pas ?

Cette phrase m'inquiétait.
Après la polémique avec Pierre de Villiers, elle ne peut de toute façon pas faire autrement que de justifier les réductions budgétaires dont la Justice va pâtir.
C'est le cas lorsqu'elle affirme que la réduction ne va concerner que des crédits gelés.
Si elle disait que c'est dramatique pour l'institution judiciaire dont on attend beaucoup, elle se ferait taper sur les doigts et sur l'esprit.
Pour ce qui concerne Christiane Taubira, je la trouve très prudente.
L'abolition de la loi Taubira n'est pas vraiment d'actualité. Elle ne l'exclut pas, mais elle reste prudente.
Je ne veux pas que cette prudence soit si sophistiquée et extrême qu'elle l'empêche de détruire ce qui devrait l'être.
De façon générale, la philosophie générale de l'entretien ne me paraît pas scandaleuse.
Je ne retrouve pas la tonalité droit-de-l'hommiste et gémissante que j'avais cru percevoir dans le discours de la passation de pouvoir avec François Bayrou. Cela m'a plu.

En d'autres termes, les choses ne vont pas empirer, mais elles ne vont pas s'améliorer non plus.

J'étais, au départ, très pessimiste.
La feuille de route remet néanmoins de l'optimisme.
Il faut voir comment elle va discuter pour le pénitentiaire, comment elle va régler un certain nombre de problèmes.
Elle a l'air de confirmer la construction des 15.000 places, mais tout cela prendra un temps fou. Elle n'a pas le choix, de toute façon.
L'entretien du Figaro relevait d'une philosophie pénale et judiciaire moins préoccupante que celle que je pouvais lui prêter quand j'ai examiné son parcours et que j'ai entendu ses premiers propos.

Dire qu'on fera tout en même temps tout en annonçant une baisse des budgets, cela ne paraît pas incohérent, selon vous ?

Évidemment.
Je ne voudrais pas qu'on se contente de choses symboliques.
Se contenter de dire qu'avant, ce n'était pas bien serait un peu court.
Cela ne serait pas suffisant pour encourager les magistrats et les remettre dans un état d'espoir, d'espérance, et d'enthousiasme.
J'espère surtout que ce garde des Sceaux de gauche respectera ce qu'il y a eu de meilleur sous le quinquennat de François Hollande, c'est-à-dire l'indépendance absolue des procédures sensibles et une courtoisie à l'égard du corps judiciaire, mais là, je n'en doute pas.

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22 juillet 2017 à 22:25

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