Jean-Baptiste Djebbari quitte le gouvernement pour aller dans le privé : pantouflage ?

djebbari

C’est la polémique qui a agité le monde politico-journalistique, ce lundi 16 mai. Alors que le Premier ministre, Jean Castex, n’avait pas encore remis officiellement sa démission au Président, Jean-Baptiste Djebbari lui avait déjà annoncé son départ pour le secteur privé. Enfin, c’est l’entreprise qui l’a annoncé, dès 8 h 00 du matin. Le ministre des Transports va donc devenir administrateur de l’entreprise Hopium, une start-up qui a pour ambition de fabriquer des voitures haut de gamme à hydrogène.

Une annonce qui n’a pas manqué de faire réagir l’opposition. « Ça ne choque personne ? Même plus la décence d’attendre la fin de ses fonctions de ministre… Ces pratiques jettent un discrédit sur la République. Elles doivent cesser ; la loi doit les interdire », a vivement réagi, sur Twitter, le maire LR de Chalon-sur-Saône. L’incrimination de pantouflage - faire des allers-retours entre le secteur public et privé, pouvant occasionner des conflits d’intérêts - s’est fait entendre par les détracteurs du ministre.

Pourtant, Jean-Baptiste Djebbari a reçu l’autorisation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). « En l’état des informations dont [la HATVP] dispose, le risque de prise illégale d’intérêts peut être écarté », détaille le communiqué.

« Comment peut-on parler de pantouflage », c’est sidérant, s’agace Jean-Baptiste Djebbari auprès du journal Le Monde. « Je suis arrivé du privé en politique en 2017. Je repars dans le privé cinq ans après. Et pas dans une grande entreprise qui fait des milliards d’euros de bénéfices ! Dans une start-up qui n’a jamais reçu de subvention publique ! Où est le problème ? » La défense du ministre peut s’entendre, à moins d'admettre que lorsqu'on entre en politique, on ne puisse en sortir que les pieds devant !

Il n’en reste pas moins que, plus largement, le pantouflage est une réalité, surtout en Macronie. Le journaliste Vincent Jauvert a écrit un livre sur les dirigeants politiques et hauts fonctionnaires qui alternent responsabilités publiques et intérêts privés (Les Voraces. Les élites et l'argent sous Macron, Robert Laffont). « Le phénomène a pris une ampleur inédite depuis la dernière présidentielle », affirme le journaliste auprès de Marianne […] « Emmanuel Macron, inspecteur des finances, a travaillé chez Rothschild, et Édouard Philippe, membre du Conseil d’État, a fait du lobbying pour Areva et a été avocat dans un cabinet anglo-saxon. Le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, et le directeur de cabinet du Premier ministre, Benoît Ribadeau-Dumas, sont eux aussi des énarques qui ont pantouflé dans le privé. »

On pourrait encore citer la mythique Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement, qui est devenue secrétaire générale de Adecco France chargée « des affaires publiques, du juridique, de la communication et des solutions emploi » et membre du comité exécutif. Par ailleurs, elle est restée impliquée auprès de La République en marche. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique s’est d’ailleurs penchée sur son cas. L’instance a demandé à l’ancien membre du gouvernement de ne pas traiter les dossiers pouvant avoir des liens avec ses précédentes fonctions politiques. Sibeth Ndiaye doit éviter « toute démarche, y compris de représentation d’intérêts (lobbying) auprès du cabinet du président de la République ainsi qu’auprès de tout membre du gouvernement qui était en fonction en même temps qu’elle », indique la HATVP.

Citons encore Brune Poirson, ancienne secrétaire d’État auprès du ministère de la Transition écologique. Elle aussi a fait son retour dans le privé. Après avoir quitté son siège de députée de Vaucluse, la jeune femme est devenue, il y a bientôt un an, directrice du développement durable du groupe Accor. Pantouflage ?

Si le passage du secteur public au secteur privé est monnaie courante depuis de nombreuses années, une nuance doit être gardée à l’esprit. « Entendons-nous bien, cumuler un mandat avec un emploi privé ordinaire ne pose aucun problème : on peut être élu tout en étant ingénieur, dentiste ou avocat », explique le journaliste Vincent Jauvert. « Le problème se présente quand ces élus sont nommés à des postes où ils peuvent monnayer leur carnet d’adresses. »

Kevin Tanguy
Kevin Tanguy
Journaliste stagiaire à BV, étudiant en journalisme

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Sa petite start-up n’a jamais reçu de subventions publiques , mais demain ?
    Qu’elles sont les compétences qu’il apporte, à part son carnet d’adresses ?

  2. Il est effectivement scandaleux qu’un ministre se recase dans une entreprise travaillant dans un secteur qu’il a encouragé avant même qu’il soit remercié par le Premier ministre. Mais, pourquoi se gêneraient ils tous ces politiques carriéristes dont l’ultime ressort est l’argent avant l’intérêt du peuple, puisque ces derniers s’obstinent à les réélire chaque fois qu’ils osent se représenter. Français, Françaises, vous avez les politiques que vous méritez, donc au lieu de pleurer, réfléchissez

  3. Le pantouflage est la norme dans un pays qui ne pratique que le capitalisme de connivence.

  4. Le passage par le Privé peut insuffler de l’Air frais. (Monory, dont je fus collaborateur, est un bon exemple. Relire son livre « Le Bon Sens »).
    Le retour au Privé n’est pas dénué…. d’intérêts…
    Le Carnet d’adresses a un Prix !

  5. « Le risque de prise illégale d’intérêts peut être écarté » déclare la HATVP. On croit rêver. Sur le site du ministère des finances on peut lire qu’il est déjà prévu un financement de 7 milliards d’euros de soutien public jusqu’en 2030, pour le développement de l’hydrogène. Et avec la crise avec la Russie, cela devrait augmenter considérablement. Quand l’État jette l’argent par les fenêtres, certains initiés savent se placer sous la bonne fenêtre.

    •  » Quand l’État jette l’argent par les fenêtres, certains initiés savent se placer sous la bonne fenêtre. » Plus précisément au premier balcon.

  6. Bien entendu il faut veiller aux éventuels conflits d’intérêt, mais pour un homme politique le fait de connaître le secteur privé peut être bon pour ses missions politiques. On reproche souvent, à juste raison, aux politiques d’être déconnectés de la réalité, comme Mélenchon par exemple, qui a passé presque toute sa carrière comme sénateur et député.

  7. Le problème est la « diplômite aigue » qui vérole la France depuis 50ans. Où sont les députés ou ministres agriculteurs, plombiers, maçons, écrivains-poètes ou même curés ? Toutes ces grandes écoles ont maintenant le monopôle de la vie publique (ENA, ENM, Sciences-Po, Fac de Droit, Fac Médecine,…) et imposent, par le biais du diplôme, une « dictature » de la pensée et des normes

  8. Ce n’est pas le passage au privé qui est choquant, c’est le passage au privé dans une filière, l’hydrogène, promue jusqu’à l’excès par M. DJEBBARI avec financements très importants de l’Etat. Maintenant, il faudrait connaître sa rémunération ; si elle correspond à celle d’un cadre à diplômes équivalents et expérience dans le métier équivalente, cela peut ne pas être choquant.

  9. Ce n’est pas un travail mais plutôt la mise à disposition de son carnet d’adresse.
    Beaucoup d’administrateurs ne travaille pas dans l’entreprise.

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