IVG dans la Constitution : pourquoi Philippe Bas, sénateur LR, a poussé la mesure de la NUPES ?

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Un sénateur Les Républicains, meilleur défenseur des féministes de la NUPES ? L’histoire semble invraisemblable, et pourtant… Ce 1er février, Philippe Bas, sénateur de la Manche (LR) ,a permis l’adoption par le Sénat de la proposition de loi déposée par la NUPES visant à constitutionnaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Philippe Bas, complice (malgré lui) de la NUPES

Personne ne s’y attendait. Les meilleurs experts de la Constitution et du droit parlementaire prédisaient un rejet du texte par le palais du Luxembourg. Tout prêtait à croire que jamais le Sénat n’accepterait l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Il faut dire qu’en octobre dernier, les sénateurs avaient clairement marqué leur opposition à une telle évolution constitutionnelle. Mais c’était sans compter l’intervention de Philippe Bas. Après que le nouveau texte de la NUPES a essuyé un refus en commission des lois, le sénateur LR a sorti de sa manche un amendement inédit. Plutôt que de proposer d’inscrire l’IVG comme « droit fondamental » dans la Constitution, il suggère d’ajouter à l’article 34 du texte constitutionnel : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. » Entre « droit fondamental » et « liberté », la différence semble subtile. Mais elle suffit à faire basculer le vote d’une poignée de sénateurs de droite et du centre, permettant ainsi l’adoption du texte (166 votes pour, 152 contre). Côté NUPES, les réactions ne se sont pas fait attendre. Mathilde Panot, à l’origine de la proposition de loi, célèbre un vote « historique ». Sa collègue au Sénat, Mélanie Vogel, se fend d’un tweet en anglais : « Incroyable nouvelle venue de France : nous venons tout juste de gagner sur l’introduction du droit à l’avortement dans la Constitution. C’est un message très puissant pour toutes les féministes du monde. » Et de conclure : « Je suis tellement émue, vous ne pouvez pas savoir. »

Philippe Bas, à l’origine de tant d’effusions dans les rangs de la NUPES, souhaitait-il marcher dans les pas de son mentor Simone Veil ou simplement faire parler de lui ? À l’écouter se justifier auprès de nos confrères de Public Sénat, il semblerait que la réponse tienne un peu des deux. « Mon souci, c’était d’éviter un texte qui bouscule l’équilibre de la loi Veil », explique-t-il. Plutôt qu’un « droit absolu, indéfini, indéterminé », il préfère inscrire une liberté avec « ses conditions et ses limites ». Une démonstration difficile à suivre quand on sait qu’il déclarait aux Échos, en 2011, qu’en tant que chrétien, « la question de l’avortement est toujours difficile ».

Héritier de Chirac

Haut fonctionnaire devenu ministre de la Santé et des Solidarités dans le gouvernement Villepin, Philippe Bas commence sa carrière politique auprès de Simone Veil. « Disciple de Jacques Chirac, Simone Veil et Jacques Barrot », comme il aime à se définir, il entre au Sénat en 2011 et n’a, depuis, jamais quitté le palais du Luxembourg. Digne héritier de la tradition chiraquienne, il s’érige à chaque élection en rempart contre le Front, devenu Rassemblement national. Encore en avril 2022, alors que 34 % des électeurs de François Fillon glissaient un bulletin « Éric Zemmour » ou « Marine Le Pen », Philippe Bas récitait l’éternel mantra des centristes : « Je ferai barrage à Marine Le Pen en mettant dans l’urne un bulletin Macron […] Je ferai mon devoir au second tour en refusant la politique du pire. »

Soutien de François Fillon puis de Valérie Pécresse, le sénateur incarne une droite désorientée sur le plan idéologique. Conservateur en 2018, il signe une tribune sur le « besoin de tout enfant d’avoir un père et une mère ». Mais cinq ans plus tard, cela ne l’empêche pas de faciliter l’adoption d’un texte progressiste de la NUPES. Triste conclusion, « l’Histoire retiendra que c’est à cause d’un sénateur dit de "droite" […] qu’est balayé le principe de respect de la personne humaine »réagissent, amers, les membres de Via et du Mouvement conservateur.

Sans colonne vertébrale idéologique et à court d’idées, les Républicains, à l’instar de Phillipe Bas, semblent désormais quelque part entre la droite, Macron et la NUPES.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/02/2023 à 7:01.
Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Pourquoi ne pas comprendre aussi que cet ajout à l’article 34 garantit que l’IVG reste soumise à la loi et n’est pas un droit constitutionnel? Mathilde Panot se réjouit car elle croit avoir « gagné », mais en réalité elle a perdu.

  2. Nous devons, parait il, faire venir des immigrés en France pour répondre à la demande des employeurs qui manquent de bras, mais aussi pour payer nos retraites. Pendant ce temps, notre pays a réalisé plus d’un million d’avortements en 5 ans. et le gouvernement continue d’en faire la promotion. Les féministes exultent : statistiquement cela fait un demi million de mâle en moins et c’est bon pour la planète !

  3. Enorme différence entre « un droit à l’IVG » et  » La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse » . Mais des députés de la classe d’Aurore Bergé n’ont pas compris la nuance. Elle a sauté de joie comme un cabri. A la NUPES, quelques-uns sont retombés sur terre, on compris et poussent des cris d’orfraie. Un droit serait un scandale. Ce serait s’asseoir sur « la clause de conscience des docteurs » et leur offrir le risque d’être conduits devant les tribunaux en cas d’exercice de cette clause.

  4. A quand l’interdiction de la fessée dans la Constitution, ou l’interdiction de dépasser le 130 sur autoroute ? Une Constitution donne les grands axes juridiques qui vont permettre de légiférer en accord avec les valeurs de notre culture et de notre civilisation. Ce n’est pas un recueil de lois qui soient directement applicables, mais toutes les lois découlent de ce condensé. Faut-il que l’effondrement de l’intelligence et de l’éducation ait déja atteint le Sénat pour qu’on fasse cette confusion en si haut lieu ??…

  5. Il est étonnant que la NUPES se réjouisse, car c’est une prise de position contre le « droit » à l’avortement, mais évidemment la NUPES ne ca pas en rester là et préfère essayer d’exploiter cette fissure dans le front uni qui lutte contre la dénaturation de la loi Veil. Elle va maintenant accentuer sans doute sa lutte contre la clause de conscience du personnel soignant. Dans un premier temps, il faut voir si l’Assemblée acceptera de valider la nouvelle loi dans des termes identiques à ceux du Sénat, ce qui donnerait un certain répit au moment où le pays est plus occupé par la réforme des retraites (en attendant les débats sur l’immigration et l’euthanasie).

  6. J’avais encore quelque espoir envers LR mais désormais c’est terminé : un ramassis d’élus sans convictions et prêts à toutes les bassesses politiciennes. Et maintenant le parlement va se réunir en grande pompe à Versailles pour introduire dans la constitution le droit de tuer un enfant.

  7. La trahison de la droite dite de gouvernement est devenue une habitude. Et si monsieur Bas est tommbé si bas, qui cela peut il encore étonner. Et si on demandait l’avis des foetus, car après tout il s’agit de mettre dans la constitution, la peine de mort!

  8. La NUPES se réjouit ! Pour eux c’est une grande avancée ! Que des milliers futurs êtres humains soient supprimés est d’une grande sauvagerie ! Au crépuscule de leur vie, peut-être se poseront-ils la question « qu’ai-je donc fait ? On parle rarement des séquelles psychologiques d’un avortement car tôt ou tard , la culpabilité d’avoir « avorté » vous revient comme un boomerang !

    • Très juste ! Au soir de leur vie , ils ( elles: sous influence, faibles, lâches) se retrouveront face à leur Créateur pour un dernier examen de conscience, probablement sans absolution…

    • Elle sait désormais que les meilleures intentions font parfois les pires révolutions sociétales. C’est elle qui est responsable de la dépravation des moeurs, sciemment ou non .

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