Inde et Pakistan : deux puissances nucléaires au bord de la guerre

La revendication islamiste empoisonne les relations indo-pakistanaises et explique les tensions actuelles.
Capture écran RFI
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La tension, déjà grandissante depuis l’attentat qui avait tué 26 Indiens dans le Cachemire, le 22 avril, est montée d’un gros cran, dans la nuit du 6 au 7 mai.

Une nuit de bombardements

L’armée indienne a tout d’abord procédé à des bombardements depuis son territoire sur des terres pakistanaises au Cachemire et au Pendjab, et affirme avoir détruit neuf camps terroristes. Aussitôt, l’armée pakistanaise a répondu avec son artillerie, déclarant avoir frappé une douzaine de cibles en Inde, dont une base militaire. La presse pakistanaise affirme, par ailleurs, que plusieurs avions indiens auraient été abattus.

À l’issue de ces échanges nocturnes, les pertes s’élèveraient à 12 morts et 38 blessés, côté indien, 26 morts et 46 blessés, côté pakistanais, indique Le Figaro, qui rapporte aussi que depuis le 7 mai au matin, « des manifestations anti-Inde ont eu lieu au Pakistan. Des portraits du Premier ministre indien Narendra Modi et des drapeaux de l’Inde ont été brûlés. » De nouveaux échanges de tirs auraient eu lieu, dans la nuit du 7 au 8 mai.

L’eau avait fait monter la température

Dans la journée du 6 mai, déjà, l’annonce par les autorités de New Dehli de leur intention de « couper l’eau » à leur voisin pakistanais avait déclenché l’ire du gouvernement d’Islamabad. Plusieurs fleuves prenant leur source en Inde irriguent, en aval, le Pakistan et sont indispensables à son agriculture. Or, en représailles à l’attentat du 22 avril, le Premier ministre indien a confirmé la suspension du traité de partage des eaux avec le Pakistan, dont la signature remonte à 1960. « L'eau appartenant à l'Inde s'écoulait jusque-là vers l'extérieur ; elle sera désormais stoppée pour servir les intérêts de l'Inde et sera utilisée pour le pays », a déclaré Narendra Modi.

Cette coupure d’eau et les bombardements de camps terroristes pakistanais qui l’ont suivie sont considérés par les Indiens comme une réponse appropriée au massacre du 22 avril. À la suite des bombardements, le ministère de la Défense indien a produit un communiqué dans lequel il revendique « une action ciblée et mesurée », précisant que l’opération « n’a pas pour but d’aggraver la situation ». Indiquant n’avoir visé aucune installation militaire pakistanaise, il estime que l’Inde « a fait preuve d’une grande retenue dans le choix des cibles et des méthodes utilisées ». Un discours cherchant à éviter que le voisin ne soit pas trop tenté de jouer de la gâchette nucléaire. Mais côté pakistanais, on est évidemment d’un avis contraire. Et depuis le 7 mai au matin, la communauté internationale a été unanime à demander aux deux parties de calmer le jeu, sentant bien le risque d’une entrée dans un véritable conflit armé dont l’évolution pourrait être dramatique, s’agissant de pays disposant tous les deux de l’arme nucléaire.

Une guerre de territoires et de religions

Si les multiples guerres et périodes de tension intervenues entre l’Inde et le Pakistan depuis le départ des Anglais en 1947 ont été dues à des différends territoriaux, l’affrontement entre les deux pays a toujours eu une opposition religieuse en toile de fond. Abordant la question dans nos colonnes, le géopoliticien Alexandre del Valle rappelait que lorsqu’ils ont « quitté les Indes, les Anglais ont excité le sentiment religieux des islamistes pour diviser le pays entre musulmans et hindouistes ». De fait, les anciennes Indes britanniques ont été partagées, sur des critères religieux, entre l’actuelle Inde (majoritairement hindouiste), le Pakistan occidental (Pakistan actuel, majoritairement musulman sunnite) et le Pakistan oriental (aujourd’hui Bangladesh, majoritairement musulman sunnite). Cette partition « à l’anglaise » s’est révélée doublement conflictuelle. Non seulement elle favorisait une sorte de guerre de religions permanente, mais elle avait laissé en friche deux questions territoriales, les deux phénomènes s’entremêlant, et de façon durable. En 1971, la question territoriale du Pakistan oriental a été réglée par la force. Revendiqué par les musulmans locaux que soutenaient le Pakistan occidental, le pays a finalement pris son indépendance avec le soutien militaire de l’Inde, devenant le Bangladesh. Mais le Cachemire, lui, est depuis 1947 et continue d'être aujourd’hui le théâtre d’affrontements entre le Pakistan et l’Inde, comme le prouvent l’attentat du 22 avril et le regain de tension observé depuis. Ce territoire est contrôlé à l’est et au sud par l’Inde, à l’ouest par le Pakistan, et sur une petite partie nord par la Chine, plutôt favorable au Pakistan. Des attentats pro-pakistanais y ont lieu depuis bien longtemps, témoignant des tensions croissantes entre hindouistes et musulmans depuis qu'Islamabad a radicalisé l’islam pakistanais, dans les années 1980.

C’est bien cette omniprésence de la revendication religieuse islamiste dans leurs différends territoriaux qui empoisonne les relations indo-pakistanaises, complique toute recherche de solutions et explique la montée en tension actuelle, laquelle suscite de légitimes inquiétudes dans le monde.

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