Il y a 230 ans, Charlotte Corday monte sur l’Echafaud

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Descendante du dramaturge Pierre Corneille, Charlotte Corday aura connu une vie digne des œuvres littéraires de son ancêtre. Qui aurait pu dire que cette jeune femme de 24 ans, montant sur l’échafaud en cette chaude journée d’été du 17 juillet 1793, aura réussi à faire taire à jamais la terrible voix de L’Ami du Peuple, Jean-Paul Marat.

En 1793, la Révolution française est à l’apogée de ses ignominies. Certains révolutionnaires ne cessent de haranguer le peuple et de demander toujours et encore plus de sang. À travers son petit journal, Jean-Paul Marat déclare ainsi à ses lecteurs : « Il y a une année, cinq ou six cents têtes abattues vous auraient rendus libres et heureux. Aujourd’hui, il en faudrait abattre dix mille. Sous quelques mois, peut-être en abattrez-vous cent mille, et vous ferez à merveille. » Comme le déclaraient Robespierre et ses partisans : « La Terreur est à l’ordre du jour. » Ainsi, toute personne considérée comme suspecte ou faisant preuve d’un tant soit peu de modération est considérée comme ennemi de la nation.

Les députés de la faction des Girondins sont ainsi menacés par les Montagnards dont faisaient partie les plus violents meneurs de la Révolution comme l’Incorruptible Robespierre, Danton et Marat. Répondant à l’un des nombreux appels à la violence et au meurtre de ce dernier, le député Pierre Vergnaud lance à l’ami du peuple : « Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! » Mais la repartie et la résistance des Girondins ne les empêchent pas d’être à leur tour considérés comme suspects. Arrêtés en juin 1793, ils sont jugés ennemis de la nation et guillotinés. Les rares survivants de cette purge révolutionnaire partent pour les campagnes et les villes de province. Là-bas, ils tentent de rallier le peuple afin de mettre fin à la folie des Montagnards.

Et c'est dans ce contexte qu'apparaît Charlotte Corday. Issue d’une famille noble sans argent dont la seule richesse était la foi, la jeune Charlotte Corday, de son vrai nom Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont, fut élevée dans des abbayes où elle apprit le sens du sacrifice. Revenue à Caen après la fermeture des institutions religieuses par la Révolution, la jeune Charlotte assiste à une des réunions des Girondins où elle finit par faire sa vocation de la déclaration d’un député : « Faites tomber la tête de Marat et la patrie est sauvée. »

Fermement décidée et consciente de la fin tragique qui l'attend, Charlotte Corday quitte sa Normandie natale et arrive à Paris, au début du mois de juillet 1793. Dès lors, elle tente par tous les moyens d’approcher Marat, qui ne quitte plus son domicile de la rue des Cordeliers. En effet, l’homme sanguinaire ne quitte plus sa baignoire, plongé dans des bains de soufre, pour tenter de soulager les terribles démangeaisons et ulcères que sa maladie de peau dévorante lui provoque. Ce qui ne l'empêche pas de continuer d’écrire ses articles, véritables appels au meurtre. Charlotte Corday, connaissant l’appétit féroce de la bête et afin de pouvoir pénétrer dans son antre, l’appâte avec le sang et la chair de députés girondins qu’elle se dit prête à dénoncer : « Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite... J'ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. » Avide de savoir où se terrent ses derniers ennemis, Marat accepte de la recevoir, le 13 juillet. Lors de cet entretien qui dure quinze longues minutes, la jeune femme frappe instinctivement sa victime immobilisée dans sa baignoire d'un seul coup de couteau à la poitrine. L’ami du peuple meurt dans l’instant.

La citoyenne Corday est immédiatement maîtrisée par la compagne de Marat et ses domestiques. Emprisonnée, elle est conduite à la Conciergerie, le 15 juillet, afin de comparaître devant le terrible Tribunal révolutionnaire pour y être jugée. Reconnaissant son acte, elle est condamnée à mort et conduite à la guillotine habillée d'une simple chemise rouge, couleur des assassins mais aussi celle du martyre. Charlotte Corday aura su ainsi donner sa vie pour faire « tomber la tête de Marat ».

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Le courage tout simplement ! Le courage de faire ce qui doit être fait, et le sacrifice de sa personne pour supprimer un tyran sanguinaire ! Bravo ! Il manque de ces héros qui vont au bout de leur détermination.

  2. Occasion de rappeler qu’il y a un peu plus de 100 ans, le célèbre humoriste américain Mark Twain, évoquant la fin de Marat en s’exclamant : « Eh bien, pour une fois qu’un Français prenait un bain… »

  3.  » Ainsi, toute personne considérée comme suspecte ou faisant preuve d’un tant soit peu de modération est considérée comme ennemi de la nation. » De nos jours, bis repetita, après classement d’office parmi les fascistes.
     » Arrêtés en juin 1793, ils [les Girondins] sont jugés ennemis de la nation et guillotinés. » Arrêtés lors d’un coup d’Etat militaire mené par la Commune de Paris et sous la menace directe des canons. De grands démocrates devant l’Eternel, ces sans-culottes.

  4. Merci monsieur Mascureau pour ces tristes moments d’histoire. Je déteste la révolution ! En général et dans toutes les nations, les révolutions ont été néfaste pour les peuples. Quand je pense que J.L Mélenchon se compare à Robespierre ….. J’avoue ne pas comprendre le laxisme de nos dirigeants et de notre justice; à ne pas porter plaintes pour incitations à la violence et au désordre de cet individu dangereux

    • Très bien vu. très bien dit. Mais ce qu’on ne dit jamais assez, hier comme aujourd’hui, c’est : qui fait le lit des racailles ? qui leur laisse le champs libre ? Qui leur fournit les arguments sur les quels ils prospèrent. Qui ouvre la boîte de Pandore ? Voltaire ? Rousseau ? Lafayette ? Kérensky ? Hollande ? Macron ? Biden ? L’enfer reste pavé de bonne intentions.

    • Bravo, j’ajouterais, suivez mon ou nos regards…… C’est comme les modes, elles finissent toujours par revenir.
      IL est bon de rafraichir les mémoires….

  5. Qui connait encore cela ? Pas les nouveaux envahisseurs, pas les plus jeunes etc. Seul les plus anciens connaissent Se fait.
    Mais Marat fut tué dans sa baignoire, chose qui n’arriverait plus maintenant, car pour ma part je prend des douches, ce qui est le cas de beaucoup je pense, et il y a ceux qui ne sa lavent pas ou peu !
    La sécheresse prédominante en ce moment, fera que tout « lavage » va devenir une loi, et nous devrons nous laver une fois par semaine ou plus à la volonté des politiques qui eux continueront de faire comme avant, ou comme le pourquoi « de jeter le bébé avec l’eau du bain ». Je vous laisse chercher pour ceux qui ne connaissent pas.
    Fini l’humour une question sérieuse :
    Charlotte monta sur l’échafaud, qu’en est-il de la femme qui tua par exemple la jeune Lola ?

    • Remercions celui qui a contribué à abroger la peine de mort! Sa simple existence devrait suffire à en faire réfléchir plus d’un et à supprimer toute récidive!

  6. C’est bein ce régime là qu’adorent, que glorifient, Mélancon et sa bande ? Et ils ne sont jamais condamnés pour incitation à la violence et/ou au meurtre ? Bon il est vrai qu’ils ne s’appellent ni Le Pen, ni Zemmour ….

  7. Il est convenu, dans les milieux d’historiens au moule, de distinguer plusieurs périodes dans la Révolution comme si le seul lien entre elles n’était que l’unité de lieu, voire de temps. Cette convention visant à absoudre des crimes contre l’humanité de la Terreur tant à Paris que dans les provinces de France (la Vendée mais pas que, loin de là !) les initiateurs du processus de 1789. Mais que nenni ! Il y a une continuité tragiquement logique des événements. 1789 portait en elle les germes de 1793 ! Dès la convocation des États Généraux, la « Machine » est en marche. Il faut lire le magnifique ouvrage d’Augustin Cochin, trop longtemps caché plus qu’ignoré, pour comprendre l’unité dramatique qui va des sociétés de pensée, créatures des « Lumières » (à partir de 1760/1770), à Thermidor et, au-delà au Directoire et à l’Empire, et dans laquelle s’inscrit la Terreur et le geste héroïque de Charlotte Corday ou la folle mais magnifique épopée de l’Armée Catholique et Royale. Nous payons aujourd’hui bien cher la faillite d’un régime trompeur qui, en voulant abolir le sacré et la transcendance et les remplacer par des « valeurs » de carton-pâte, a fait le lit de l’individualisme et du matérialisme, ces germes de la « décivilisation » ô combien tragique qu’on semble aujourd’hui découvrir…

      • La Machine révolutionnaire
        Augustin Cochin
        Nouvelle édition préfacée par Patrice Gueniffey
        Éd. Taillandier
        640 p. 25.90 €
        A lire à tête reposée (;>) !

      • L’historien François Furet lui consacre un chapitre de son essai Penser la Révolution française (1978), et déclare : « Tocqueville et Cochin sont les seuls historiens à proposer une conceptualisation rigoureuse de la Révolution française ». Il le considère comme « probablement le plus méconnu des historiens de la Révolution française ». Les sociétés de pensée et la Révolution en Bretagne. Et deux essais : Les sociétés de pensée et la démocratie moderne et La Révolution et la libre pensée.

      • En 2018, Denis Sureau publia les œuvres presque complètes d’Augustin Cochin sous le titre La Machine révolutionnaire, avec une préface de l’historien Patrice Gueniffey.

    • Nous payons bien cher : a/ 2 siècles de mensonges et de propagande ; le voile a vraiment commencé à se lever avec Furet b/ l’hypercentralisation de la France (renforcée par la Révolution « jacobine » et l’Empire « plus absolu que la monarchie ») qui aboutit à mettren jeu dans le moindre conflit des forces ultra puissantes qui se seraient plus rapidement fractionnées et dissipées dans un Etat plus décentralisé. Le poids et la puissance de l’Etat sont tels en France qu’il est à la fois le moteur et l’enjeu de toutes les batailles économiques sociales et culturelles dans les quelles les partis concentrent toutes leurs forces. Avec des conséquences nécessairement plus importantes.

  8. Maintenant, « on » pille et « on » brûle, et quand « on » dénonce, c’est alors un journaliste de province qui jette en pâture les coordonnées d’un policier qui a eu le tort de faire son travail.
    Les temps changent, les méthodes également

    • Il est en effet pensable que tous les maux que vie actuellement la France ont leurs racines à cette révolution !
      Politiquement parlant bien sûr !

    • Oui, vive le Roi! L’armée catholique et royale veille toujours sur la France éternelle. Pour reprendre un cantique révolutionnaire:  » tremblez ennemis de la France…. »

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