Horsoler, c’est mourir

M. Robin de La Roche fait l’éloge du bougisme, du nomadisme, sur Boulevard Voltaire, ce matin. "L’absence de mouvement, conclut-il, ça porte un nom : ça s’appelle la mort." Je pense exactement le contraire : le bougisme, le nomadisme, c’est ça, la mort, la crevaison intégrale. Les peuples ne sont pas délocalisables à loisir. Un peuple, ce n’est pas un pion à déplacer, et à remplacer quand il ne veut pas bouger.

Ce que M. Robin de La Roche appelle "le fantasme de la propriété de maison", un fantasme "ridicule", bien entendu, c’est la volonté de s’ancrer dans son pays, dans sa région, dans sa ville : c’est aussi vouloir que les siens, sa famille, ses enfants continuent d’y vivre – car un pays n’est pas un aéroport, une civilisation ne prend pas l’avion pour bosser à Dubaï. Une civilisation, c’est un certain rapport au temps, à l’espace, aux paysages où l’on a vécu, aux chemins où l’on a marché, à l’histoire que l’on a héritée. Le bougisme, c’est la vulgate des pays comme des hôtels, où l’on fonde des familles hors-sol ; le bougisme, c’est du macronisme, et le macronisme, c’est du horsolisme – vouloir une civilisation hors-sol.

J’ai tué une araignée, cette semaine. Une amie proche me l’a vertement reproché. Les bêtes, je les aime mais je peux les tuer ; cette amie en a peur et ne pourrait pas écraser une mouche. Tout vient du rapport différent qu’elle et moi entretenons à la mort : dans les milieux rustiques, on tue les cochons ou les guêpes, pour s’en nourrir ou s’en défendre ; on ne tue pas les bourdons ou les hérissons. Ce n’est pas haïr la vie que de la tuer ; c’est se protéger d’elle, quand elle nous menace.

C’est exactement le contraire du bougisme, du macronisme, du horsolisme – que l’on pourrait définir comme la gestion des peuples par l’hyperclasse, imitée de celle d’un portefeuille d’actifs et d’un compte offshore. Quand un horsoleur comme Macron parle des "illettrés", des "fainéants", de "ceux qui foutent le bordel", il s’étonne que le peuple, en bas, pousse de petits cris :
« Insoumis ! Cégété ! Merluchon !
- Ah ? s’étonne Macron en se penchant. Il bouge encore, celui-là ? »

Ce n’est pas qu’il veuille le tuer : le peuple n’est pas une araignée ; c’est qu’il entend le déplacer : le peuple est un hérisson déplaçable – et, justement, s’il pouvait aller se faire grand-remplacer en silence, le hérisson, et éteindre les lumières de la France avant de sortir, ça rendrait service à tout le monde.

Et, en effet, beaucoup seront forcés à bouger : le white flight n’est rien d’autre que cette obligation. Bouger, c’est fuir ; horsoler, c’est mourir.

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