À la demande d’Agnès Buzyn, le ministre de la Santé, la Haute Autorité de santé doit remettre son avis, le 28 juin 2019, pour permettre au gouvernement de trancher sur la question du remboursement, par l’assurance maladie, de l’homéopathie. Trois laboratoires sont concernés : Boiron, Lehning et Weleda. L’avis de la HAS s’appuie sur l’étude de 1.200 médicaments homéopathiques. Il y a deux enjeux : le premier médical, le second économique.

Fondée à la fin du XVIIIe siècle par le médecin allemand Samuel Hahnemann, l’homéopathie repose sur deux idées. La première est de soigner le mal par le mal (ce qu’on appelle la théorie des semblables). On peut rapprocher cette idée de la mithridatisation, qui préconise d’ingérer des doses progressives d’un toxique pour développer une résistance. La désensibilisation aux venins utilise ce principe. On peut même y voir une certaine analogie avec la vaccination, qui stimule la production d’anticorps à partir d’un virus inactivé.

Dans l'Organon de l’art de guérir, publié en 1810, Hahnemann développe ses théories qui rencontrent d’autant plus d’écho qu’à la même époque, Edward Jenner découvre le principe de la vaccination. Là où Hahnemann devient franchement spéculatif, c’est qu’il affirme un autre postulat : celui des fameuses dilutions. Selon lui, par une chaîne de dilutions successives des substances, on renforcerait leur pouvoir thérapeutique, ce qu’il appelle « potentialisation ».

L’unité de base de sa dilution est le CH (ou centésimal hahnemannien), dilution d’un volume V d’une substance dans un volume de 99 V d’alcool ou d’eau. On aboutit ainsi à 1/100 de V. Ensuite, on reprend cette dilution de 100 pour la diluer encore une fois par 100. Le volume V est alors dilué 10.000 fois. Et ainsi de suite. Une dilution de 6 CH signifiera que le volume V est maintenant dilué de 100 puissance 6, soit… mille milliards de fois !

Sachant que l’homéopathie n’hésite pas à aller jusqu’à 30 CH, on imagine ce qu’il reste du principe actif initial ! C’est supposer qu’une seule goutte de quelque chose que l’on verserait à Paris dans la Seine soit capable d’activer le contenu d’un verre d’eau que l’on puiserait au milieu de l’Atlantique…

Quant à la fameuse « mémoire de l’eau », hypothèse du chercheur médecin immunologue Jacques Benveniste, ses résultats n’ont jamais pu être reproduits.

Pour Hahnemann, la substance subsistait sous la forme d’une « force spirituelle dématérialisée ».

Le Conseil médical australien (NHMRC) s’est penché sur 57 méta-études publiées entre 1997 et 2013 regroupant 176 études sur les traitements homéopathique effectuées sur 61 maladies ou problèmes de santé. Les effets de l’homéopathie n’ont pas été différents d’un placebo pour tous les problèmes de santé étudiés. Quant aux 496 publications proposées par les défenseurs de l’homéopathie, 447 ne remplissaient pas les critères requis, étaient sans rapport ou déjà incluses dans le corpus étudié par le NHMRC.

Sur les 49 articles restants, 48 ne satisfaisaient pas aux critères de rigueur requis et présentaient des erreurs. Une seule étude portant sur les infections des voies respiratoires, mais sur un faible nombre de patients, suggérait que l’homéopathie avait été efficace. Le NHMRC conclut qu’il n’existe aucune preuve satisfaisante de l’efficacité de l’homéopathie.

À l’avantage indiscutable de cette pratique qui, à défaut de résultats, est du moins sans danger (ceci expliquant sans doute cela), une plus grande écoute des médecins qui s’en réclament et l’opposent à une médecine conventionnelle trop coupée des patients. Une grande étude longitudinale baptisée « EPI3 » et ayant suivi quelques milliers de patients de 825 médecins généralistes sur un an a montré que les médecins homéopathes prescrivaient beaucoup moins de traitements actifs que les praticiens de la médecine conventionnelle, pour un résultat thérapeutique similaire.

La faculté de médecine de Lille a suspendu sa formation et ses diplômes d’homéopathie, mais on compte encore en France une quinzaine de facultés de médecine les proposant et quelque 5.000 médecins homéopathes.

Le second enjeu est économique : les médicaments homéopathiques, contrairement aux allopathiques, ne sont pas soumis à l’autorisation de mise sur le marché et ne sont donc contraints à aucun essai thérapeutique préalable.

Néanmoins, leur « force spirituelle dématérialisée » est aujourd’hui remboursée à hauteur de 30 %. En 2017, le remboursement de l’homéopathie reste néanmoins mesuré : il a représenté 129,6 millions d’euros, sur un total de 19,9 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés. Selon le laboratoire Boiron, plus de 1.000 emplois seraient menacés en cas de déremboursement des médicaments homéopathiques.

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23 juin 2019 à 18:38

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