Helsinki : et si Donald Trump nous avait évité une nouvelle guerre froide ?

Donald Trump aime à bousculer les codes. À Helsinki, lors de sa récente rencontre avec son homologue russe, on peut dire qu’il les a littéralement fait exploser en plein vol, tel qu’en témoigne l’un de ces tweets dont il détient l’inénarrable secret : « Nos relations avec la Russie n’ont jamais été aussi mauvaises. Merci à des années d’imbécillité et de folie de la politique américaine. Et maintenant, la chasse aux sorcières ! »

Et le même d’affirmer, devant le gratin de la presse internationale, que l’enquête diligentée par le FBI contre sa personne, au sujet de possibles interférences russes* durant l’élection présidentielle américaine, était un « désastre » et qu’il ne voyait pas pourquoi il ferait plus confiance à ses services secrets qu’à la parole de Vladimir Poutine. Lequel (comment s’en étonner) souriait, tel le matou matois devant le souriceau.

Dès le lendemain, l’ébouriffé de l’intérieur faisait évidemment marche arrière, invoquant un possible « lapsus ». Personne n’y croit, mais il s’agit de sauver l’honneur ; enfin, ce qu’il en reste. En attendant, à défaut de « chasse aux sorcières », c’est la curée, médiatique comme politique. Trump est-il seulement un « faible » ou, plus grave, un « traître » ?

Il est vrai qu’un président n’est pas censé critiquer son pays quand en voyage à l’étranger. Même au Zimbabwe, on le sait. Il est tout aussi vrai que si Vladimir Poutine réfléchit longtemps avant de parler, Donald Trump aurait un peu tendance à faire l’inverse. Mais en est-il « faible », « traître » ou tout simplement « idiot » pour autant ? Voilà qui demande réflexion. Réflexion, bien sûr, négligée par les médias américains – même la très trumpesque Fox News fait haro sur le baudet –, mais c’est logique : ils estiment défendre leurs intérêts. C’est déjà moins compréhensible ici, sauf à imaginer que, pour nos « journalistes qui comptent », l’avenir de la France aurait vocation à se fondre dans celui des USA. Remarquez, ce sont globalement les mêmes qui, tout aussi fanatiques, assuraient naguère que l’URSS représentait non seulement notre avenir, mais encore celui de l’humanité, avec, en prime, le bonheur au bout du knout.

Mais il existe encore des journalistes sérieux, Hadrien Desuin par exemple, auteur d’un essai passionnant, La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie, qui, dans Le Figaro Vox, appuie là où ça fait mal : « L’opposition démocrate et parfois républicaine n’a pas supporté que le président Trump rencontre Vladimir Poutine, en terrain neutre et sans conseiller pendant près de deux heures." Tout y est en ce sens où, ce bref laps de temps durant, il a pu échapper aux représentants de cet « État profond » le tenant en liberté surveillée. Certains de ses prédécesseurs ont peut-être été tués pour moins que ça.

Donald Trump est ce qu’il est. Mais au moins a-t-il tenté de préserver un dialogue d’homme à homme. C’est, d’ailleurs, cette relation humaine qui a permis à des Richard Nixon et à des Leonid Brejnev d’éviter une déflagration mondiale. Ce que note assez finement Donald Trump, rappelant que les dirigeants américains et soviétiques ne se sont jamais tant rencontrés que durant la guerre froide et que, depuis que la paix est revenue, ce sont ces mêmes rencontres qui s’espacent.

Et Hadrien Desuin d’enfoncer le clou. Par deux fois. Du côté de Washington, tout d’abord : « L’Amérique ne supporte pas d’être placée à égalité avec la Russie et encore moins d’être en position de fragilité. Mais à qui la faute ? Le microcosme washingtonien passe une bonne partie de son temps à déjouer d’hypothétiques complots russes à la Maison-Blanche. Qui joue contre son propre camp dans cette grande comédie américaine : Trump ou ses adversaires ? »

Le second est pour nous : « Depuis des mois, Donald Trump se débat contre l’enquête qui vise son entourage de campagne et accuse le camp démocrate de mener une guérilla juridico-politique à son encontre. Désormais, il ne veut plus se cacher. Les Européens sont-ils trop bêtes pour ne pas décrypter le petit jeu politicien de Washington ? »

Il est à craindre que oui, à l’exception de quelques voix discordantes.

* Mais d’interférences américaines à l’étranger, jamais. Et surtout pas en Ukraine comme au Chili.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:44.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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