Guillaume Bernard : « L’équipe de Reconquête confond l’union des droites avec l’unité de la droite »

Guillaume Bernard

Le candidat Reconquête, Éric Zemmour, ex-candidat à l’élection présidentielle, appelle à une grande coalition des droites pour contrer les projets d’Emmanuel Macron et ce bloc qu’il nomme islamo-gauchisme incarné par Jean-Luc Mélenchon. Pour Guillaume Bernard, politologue et auteur de "La guerre à droite aura bien lieu : Le mouvement dextrogyre" (Desclée de Brouwer), il n’y a pas incompatibilité entre favoriser l’unité de la droite et prendre en considération la réalité sociologique du pays. 

Marc Eynaud. Guillaume Bernard, comment analysez-vous cette communication de Reconquête et d’Éric Zemmour ?

Guillaume Bernard. Il me semble assez évident qu’Éric Zemmour et son équipe ont été sans doute un peu déçus du résultat du premier tour de la présidentielle. Par conséquent, ils cherchent à exister avant même que les législatives ne deviennent véritablement de l’actualité et, donc, être présents dès l’entre-deux-tours de la présidentielle pour essayer de maintenir à flot leur parti politique.

M.E. Visiblement, les électeurs ont tranché : la ligne de Marine Le Pen, la ligne des mondialistes contre les souverainistes semble fonctionner davantage que celle de l’union des droites, puisque Marine Le Pen est arrivée au second tour. Cette grille de lecture de Reconquête est-elle encore d’actualité, politiquement ? A-t-il raison de continuer dans cette voie ?

G.B. Nous pouvons faire deux commentaires.

Premièrement, il me semble que l’équipe de Reconquête confond l’union des droites avec l’unité de la droite. Je crois qu’idéologiquement parlant, l’union des droites est quelque chose qui est incohérent et qui ne peut pas véritablement se réaliser, étant donné qu’il y a des divergences idéologiques très profondes entre des forces politiques qui se retrouvent sur la droite du spectre politique et qui ne sont pas véritablement de droite.

En revanche, l’unité de la droite, c’est-à-dire de réunir dans une même organisation des personnes qui appartenaient à des partis différents, mais qui étaient divisées pour des raisons liées à leur appartenance traditionnelle à une structure ou pour des raisons d’ordre géographique. C’est quelque chose de parfaitement réalisable.

Deuxièmement, il n’y a pas nécessairement incompatibilité entre le fait de favoriser l’unité de la droite et prendre en considération la réalité sociologique du pays, et le fait qu’il y a incontestablement un bloc élitaire autour d’Emmanuel Macron et un bloc populaire, voire populiste, qui est susceptible de se coaliser, mais qui ne l’est toujours pas pour l’instant.

Pour ce qui est du premier tour de la présidentielle, je maintiens l’analyse que j’avais proposée, il y a déjà quelques années, et que j’ai peaufinée ces dernières semaines avec l’émergence d’Éric Zemmour. Je crois que Marine Le Pen et Éric Zemmour ont tenté l’un et l’autre d’être une incarnation du bonapartisme, mais pas la même incarnation.

Éric Zemmour, c’est Napoléon Ier, tandis que Marine Le Pen, c’est la tentative du bonapartisme de Napoléon III, avec l'attachement aux questions sociales. Pour ce qui est du premier tour en 2022, l’insécurité économique et sociale est apparue plus prégnante que l’insécurité identitaire et culturelle. C’est ce qui explique que l’incarnation bonapartiste Napoléon III de Marine Le Pen l’a emportée sur l’incarnation bonapartiste Napoléon Ier d’Éric Zemmour.

M.E. Marion Maréchal est désormais un cadre effectif de Reconquête. On est tenté de dire que le retour vers le RN est désormais totalement compromis. D’un point de vue stratégique, Marion Maréchal a-t-elle posé un bon choix ?

G.B. Je fais partie de ceux qui n’ont pas très bien compris le timing de l’engagement de Marion Maréchal dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2022. Il me semblait - et je crois ne pas être le seul - qu’il aurait été sans doute plus efficace pour Marion Maréchal d’attendre les résultats du premier tour et, ensuite, de décider de jouer un rôle d’intermédiaire entre l’équipe Zemmour et l’équipe de Marine Le Pen. Elle a fait un choix différent. Il me semble qu’elle est désormais pieds et poings liés et que son destin est directement lié à celui de Reconquête.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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