Grand débat : nausée en perspective

nausée

Les mauvaises langues disent que le grand débat national est biaisé, que c’est une grande entourloupe, une opération d’enfumage de première bourre. Fantasmes, arguments d’opposants mauvais joueurs et pris à leur propre piège ? Qu’en penser ?

Un élément de réponse, très concret, précis, qui permet d’apporter de l'eau au moulin du débat sur le grand débat. Tenez, le Vaucluse, dans la circonscription de la secrétaire d’État à l'Écologie Brune Poirson. Sur la page Facebook d’Adrien Morenas, suppléant dudit ministre et donc député jusqu’à nouvel ordre, on peut lire ce message, envoyé le 4 février, à l’issue d’un premier débat qu’il a animé la semaine dernière dans sa commune : "Un prochain grand débat est organisé le 22 février à Mazan à la Boiserie [salle des fêtes de cette commune]. Mon équipe et moi-même réfléchissons sur l’organisation de ce débat ; choix de la thématique et choix du mode de concertation. Les modalités seront mises en ligne via un post Facebook." Donc, un débat conçu, organisé, cadré, tant dans la forme que sur le fond, par un député de La République en marche et son équipe. Vous me direz qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Et on ne se donne même pas la peine de sauver les apparences : ces pudeurs sont d’un autre âge, voyons !

Et à l’échelle nationale, n’est-ce pas un peu la même chose, à la puissance dix ? À la puissance publique, même ! Mme Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public s’étant elle-même cornérisée, les ministres Lecornu et Wargon ont pris la direction du barnum afin de faciliter la tournée nationale de leur vedette américaine. Au passage, l’Histoire devra sans doute, un jour, se pencher sur les conditions dans lesquelles cette brave fille s’est retrouvée jetée à la vindicte populaire avec son salaire astronomique. Un salaire fixé, d’ailleurs, par l’exécutif… Elle voulait un truc cadré, rigoureux, scientifique, impartial. Houlà ! Ma grande, tu vas faire comme on te dit ! Mais elle aurait résisté : c’est ce qu’affirmait la semaine dernière le journaliste Edwy Plenel sur LCI. La polémique sur son salaire n’aurait été qu’une "boule puante". Un truc qui marche bien, par les temps qui courent.

En tout cas, lundi soir, à l’heure des devoirs des gosses et du dîner à la maison de retraite, le cirque avait planté sa tente dans l’Essonne. Pour qui faisait le tour des chaînes d’information, on se serait cru revenu aux années de l’ORTF (la couleur en plus), lorsqu’il n’y avait que deux chaînes. En direct, grand débat par-ci, grand débat par-là. Sous perfusion. En cachets ou suppositoires. Matin, midi, soir. Ad nauseam.

Les mauvais esprits (les méchants !) font remarquer qu’Emmanuel Macron se paye ainsi une campagne électorale à bon compte. Les beaux esprits (les gentils) rétorqueront que, dans ces débats du grand débat, on n'y parle pas d’Europe mais de sujets très concrets, locaux, de la vie de tous les jours - des gens, quoi. Les mauvais esprits - encore eux, décidément ! – re-rétorqueront que tout se tient, que, du reste, les mêmes beaux esprits sauront expliquer, durant la campagne des élections européennes, tout ce que l’Union européenne apporte de bon, de beau et de bien à ce fameux quotidien. Tout se tient tellement qu’il paraît que le Président envisagerait d’organiser un référendum le même jour que les élections européennes. Un pari, comme l’expliquait hier, dans ces colonnes, notre ami Olivier Damien. Certes. Mais on sait ce qu’est le marketing (les mauvais esprits diront "la propagande") à La République en marche. Un référendum comme produit d’appel, ce n’est pas une mauvaise idée, ça. On remplit son Caddie® et à la caisse, on achète ce qu’on n’avait pas forcément envie d’acheter au départ. Ça vaut le coup d’essayer.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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