En septembre 2019, on s’en souvient, le jeune militant nationaliste corse Maxime Susini avait été abattu sur une plage de Cargèse, devant sa paillotte. Un crime que ses amis du mouvement indépendantiste Core in Fronte ont imputé au grand banditisme insulaire suite à une tentative d’extorsion ratée. Quelques jours après, le 25 septembre 2019, a été fondé à Ajaccio le collectif antimafia « Maffia NÒ-A vita IÈ », visant à éveiller les consciences sur la réalité d’une économie locale gangrenée par les organisations criminelles.

Cette mainmise des voyous sur les principaux secteurs d’activité de l’île s’est faite à partir des années 80, lorsque les truands corses ont peu à peu délaissé le continent pour se recentrer principalement sur des villes comme Bastia – on pense au gang de la Brise de mer – ou Ajaccio, tenue à l’époque par Jean-Jérôme Colonna et ses jeunes protégés du gang du Petit Bar.

D’après Jacques Follorou, cette emprise mafieuse sur l’île aurait pu être stoppée dès 1984-1986 lorsque l’argent du crime n’avait pas encore été totalement réinvesti dans l’économie légale de la Corse. L’époque étant, dorénavant, à la lutte contre les diverses factions indépendantistes rivales, et ce, jusqu’à la fin des années 90, le grand banditisme eut les mains libres pour développer ses affaires. D’autant que certains truands n’hésitèrent pas à collaborer avec les autorités françaises pour neutraliser les nationalistes en échange d’un traitement personnel plus favorable – on pense, notamment, qu’ils auraient joué un rôle décisif dans la capture d’Yvan Colonna, l’assassin du préfet Érignac.

Depuis, les organisations criminelles ont étendu leurs tentacules sur la Corse et il est pratiquement impossible, pour la police, de rattraper une décennie de retard sur les voyous. Que ce soit le tourisme, l’immobilier, le BTP ou les commerces traditionnels, tous les secteurs d’activité de l’île sont désormais la cible de structures mafieuses.

Le collectif Maffia NÒ-A vita IÈ n’apparaît donc pas seulement en conséquence de l’assassinat de Maxime Susini, il est le débouché logique d’un ras-le-bol de la population corse face aux prédations que subit son économie depuis trente ans. Le tout ponctué de règlements de comptes entre voyous (108 meurtres en Corse, entre 2007 et 2012) qui n’épargnent même plus les notables. On pense à Lucien Tirroloni, président de la chambre d’agriculture de Corse-du-Sud et élu local, tué le 12 décembre 1990 ; à Marie-Jeanne Bozzi, ancien maire de Grosseto-Prugna Porticcio, assassinée le 21 avril 2011 ; à l’avocat Antoine Sollacaro, ancien bâtonnier d’Ajaccio, abattu le 16 octobre 2012 dans une station-service de la ville ; ou encore à Jacques Nacer, président de la chambre de commerce et d’industrie de Corse-du-Sud, exécuté le 14 novembre 2012 à la fermeture de son magasin de la rue Fesch à Ajaccio.

Ayant donné lieu, le 14 novembre dernier, à son sixième débat sur le grand banditisme, Maffia NÒ-A vita IÈ réclame, aujourd’hui, par le biais d’une pétition, une loi de redistribution sociale des avoirs mafieux, à l’image de ce qu’a pu mettre en place l’Italie en 1996. Une loi qui permet à l’État italien d’attribuer un patrimoine ou des fonds illégaux à des associations, des mairies ou des coopératives dans le besoin. Il s’agit, en somme, de rendre les biens mafieux aux citoyens spoliés, ce n’est que justice.

Le collectif antimafia se veut apolitique dans la mesure où l’on y trouve aussi bien des gens de gauche que de droite, des Français de cœur comme des indépendantistes ou des autonomistes. La droite nationale et souverainiste, à l’heure où l’Assemblée régionale de Corse est aux mains des indépendantistes (dont certains ne sont pas étrangers au monde des « affaires », loin de là…), a largement voix au chapitre et commettrait une grave erreur en délaissant le combat antimafia à ses adversaires idéologiques. Les affaires corses sont les affaires de la France.

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21 novembre 2020 à 18:35

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