Gabrielle Cluzel : « Mon sentiment est que l’insécurité n’en est pas un »

Gabrielle Cluzel

Menacée de mort sous les yeux de ses enfants dans un supermarché à Versailles, la directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire revient sur les circonstances de cet événement.

Marc Baudriller. Gabrielle Cluzel, quel est votre sentiment après votre agression à Versailles ?

Gabrielle Cluzel. Mon sentiment est que l’insécurité n’en est pas un. Contrairement à ce qu’a pu prétendre notre garde des Sceaux, elle est une réalité ! Pour voir le bon côté, il est peut-être utile que les journalistes la touchent de temps en temps du doigt, comme des citoyens ordinaires. Et encore, j’ai conscience que ce n’est rien, comparé à ce que vivent certains : il ne s’agissait « que » de menaces verbales, de nombreux Français subissent bien pire.

M. B. Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ?

G. C. Je me suis rendue dans un supermarché, près de la gare - un élément d’explication, selon les policiers, ce lieu n’étant pas le mieux fréquenté du monde - avec mes enfants pour leur acheter un pique-nique car ils partaient en camp le lendemain. Au moment où j’arrivais à la caisse, un groupe d’individus bruyants de 30 ou 40 ans entrait. En me voyant, l’un d’eux, le plus agité, a lancé : « C’est la meuf d’i>Télé » (sic) - il date un peu, peut-être appelle-t-il encore France 2 Antenne 2 ! « Facho », a-t-il crié. Puis, vers un employé dans un rayon que je ne voyais pas : « Il y a des fachos dans ton magasin. » A suivi une bordée d’injures que je vais épargner aux lecteurs de Boulevard Voltaire, puis des menaces : « On va tous vous tuer, on va tous vous brûler. » C’est ce qui a vraiment marqué mes enfants. À 10 ans, on ne prend pas beaucoup de recul. Depuis, mon petit dernier refuse de sortir avec moi dans la rue. Mais je compte sur les vacances pour leur faire oublier tout cela.

M. B. Vous avez porté plainte. Comment avez-vous été reçue par la police nationale ?

G. C. J’ai été impressionnée par le professionnalisme des policiers, qui m’ont reçue avec beaucoup de gentillesse et ont pris cela très au sérieux. Là aussi, c’est une expérience riche qui met de plain-pied avec la vraie vie : leur efficacité - ils ont très vite identifié l’individu, un multi-réitérant, comme on dit : vol, trafic de stup, agression sexuelle… - tranchait avec la pauvreté du décor. Dans leur bureau, il faisait une chaleur épouvantable et une serviette de toilette coincée dans la fenêtre était censée remplacer un vieux store vénitien cassé…

M. B. Quelles sont les causes profondes de cette agression ?

G. C. Il y a l’ensauvagement général, bien sûr. Cet individu, si j’en crois la police, est un délinquant ordinaire. Mais je crois qu’elle est aussi l’un des divers visages pris par ce « terrorisme intellectuel » théorisé par Jean Sévillia, vous remarquerez, et le récent livre de Christine Kelly Libertés sans expression (Cherche Midi) le montre très bien : les « intimidations », pour parler pudiquement, viennent toujours du même côté. La gauche, en diabolisant certaines idées, donne un blanc-seing à des personnalités agressives - qui n’ont pas ces freins sociaux intériorisés par les gens éduqués : contre le diable, tous les coups sont permis, n’est-ce pas ?

Le plus inquiétant, pour moi - c’est, du reste, ce qui m’a poussé à porter plainte -, c’est que la présence d’enfants n’a pas arrêté cet individu. Je peux tout concevoir - qu’on déteste mes idées, qu’on me déteste personnellement -, mais qu’on laisse les enfants en dehors de tout ça.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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