Europe : réinventer notre vocabulaire pour éradiquer le racisme ?

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Le 23 mars dernier, c'était la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. À cette occasion, le Parlement européen a organisé un événement sur le thème « Antiracisme : le poids des mots ». Il s’agissait, dit le document de l’unité Égalité, Inclusion et Diversité qui en avait la charge, d’« expliquer pourquoi les mots que nous utilisons sont importants, que ce soit lors de réunions formelles ou au détour d’un couloir ».

On comprend que le but, louable entre tous, est d’extirper des propos publics et privés – « sur le lieu de travail et au-delà », dit l’invitation au colloque – tous les mots susceptibles de heurter. Il faut donc repérer et éradiquer du langage tout vocabulaire ou expression qui pourrait faire planer une connotation négative sur le propos tenu.

De même qu’on disait autrefois aux enfants de se rincer la bouche après avoir dit une grossièreté, il faut aujourd’hui nous laver le cerveau pour mieux nous purifier l’esprit. Comme le disait Mathieu Bock-Côté dans son excellente analyse (mercredi soir, sur CNews), le premier constat, dans cette affaire, est « la reconnaissance centrale du poids des mots, du langage, dans la formation de la pensée ». Les idéologues à l’œuvre ici sont bien conscients du « caractère essentiel des mots pour percevoir, concevoir, dire le monde ». Il faut donc « nettoyer (le langage) de son contenu inquiétant »

Nous contraindre à changer les mots, c’est assurément nous contraindre à changer notre vision du monde et les intervenants ont des listes toutes prêtes. D’abord retirer tout ce qui se compose avec le mot « black » (blacklist, blackface, Black Friday…), puis tout ce qui se construit avec « man » (manpower, manfire, etc.). Mme Rolade Berthier conseille même d’abandonner le mot « gourou », qui a pris dans notre culture un sens critique alors qu’il désigne, à l’origine, un chef spirituel. Cette dame souhaite que soit également bannie l’expression « immigrant illégal » car, dit-elle, « un immigrant est un être humain et un être humain ne peut être illégal ». Il ne faut pas, non plus, dire « étranger » mais « personne née à l’étranger ». Etc.

Tout cela n’est guère nouveau, c’est juste le champ du bannissement qui s’étend. Il y a belle lurette, en effet, que les mots « aveugle », « sourd », « muet », « nain », « handicapé », etc., ont, comme les noms de métiers – pas assez valorisants sans doute –, été remplacés par des périphrases destinées à masquer la réalité des faits. Puis le wokisme est passé par là qui nous interdit, maintenant, toute référence « genrée » afin de mieux accoucher d’une langue neutre. Ainsi, les mêmes plus hautes instances européennes ont-elles organisé, en décembre 2021, une rencontre dont l’objectif était de « sensibiliser à l’importance et aux avantages d’une rédaction claire et souligner la nécessité d’un langage clair et inclusif ». Avec l’écriture du même métal.

« La modification, l’idéologisation, la manipulation du langage » sont aujourd’hui « au cœur du projet diversitaire », dit Mathieu Bock-Côté. Et c’est clairement « une prise de pouvoir, car qui n’utilise pas ce langage est condamné à évoluer aux marges de la société ».

Cette pollution des esprits est déjà bien avancée, menée très efficacement auprès des enfants, particulièrement ceux qui n’ont pas l’environnement familial pour pouvoir résister au matraquage. Travesti en « respect » de l’autre, le déni du réel, particulièrement en matière de genre, est déjà considéré comme une vertu. Le mensonge répété devenant une vérité, les ChatGPT et autres IA nourries aux nouveaux dogmes parachèveront l’entreprise de décérébrage.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Vous voyez bien que le « vivre ensemble » est impossible puisque tous les peuples de la planète n’ont pas bénéficié EN MÊME TEMPS de la même civilisation. On ne va tout de même pas changer notre vocabulaire et quoi encore ????? que ceux que ça dérangent retournent d’où ils viennent, on ne les oblige pas à nous supporter. A chacun son pays, sa langue, sa culture, ses moeurs, sa religion, ses coutumes, sa cuisine, son histoire etc etc….. et la planète ne s’en portera que beaucoup mieux. Quand on choisit de vivre dans un pays, on doit tout accepter ou décamper. RESPECT !

  2. Il y a belle lurette que notre langage courant est attaqué et « euphémisé » sans provoquer des remous
    Exemples : au lieu de dire « aveugle » ou « sourd » nous avons accepté « mal voyant » ou malentendant »
    Au lieu de déclarer franchement :  » ,votre vision des choses est inacceptable pour telle raison..ou telle raison…. », on a adopté le pudique  » on peut se demander ‘dans quelle mesure’ telle affirmation coïnciderait avec telle (ou telle autre) évidence.. » etc…
    Tant qu’il s’agit d’adoucir les confrontations, le consensus se fait automatiquement. En revanche certaines expressions (en provenance notamment de ‘pédagogistes’ qui prétendent réapprendre à l’univers la façon de s’exprimer, comme « l’apprentissage de la natation » devenu « exercice en milieu aquatique » et..etc…(les exemples multiples relevés ont déclenché l’hilarité en même temps qu’une opposition à l’abandon de la simplicité cartésienne de notre langage classique…ces tentatives de brouillage mental sont destinées à disparaitre avec la fin du ‘wokisme’ qui se profile à travers diverses initiatives en cours de développement… COURAGE !

  3. Lorsque j’étais en Guyane, mes amis antillais m’appelaient  » le vieux blanc ». Est ce du racisme? Lorsque je leur téléphone d’ailleurs, je m’annonce toujours ainsi  » c’est le vieux blanc ». Voilà que je deviens raciste envers moi-même. Mais que de bons moments passés ensemble.

  4. On croit rêver ! Transformer notre langage, nos mots, c’est-à-dire ce qui représente la quintessence de l’esprit de notre pays, sous prétexte qu’ils peuvent porter atteinte à l’honneur ou à la probité de certains humains. Et au nom de quoi ? Et en France ! Le pays des poètes, des écrivains, de la Sorbonne née au XIII° siècle, le pays de la parole juste, belle, éclairante, élément civilisationnel majeur dont nous pouvons être fiers. Ce qui ne signifie pas qu’ailleurs, de par le vaste monde, d’autres langages, d’autres paroles soient moins évolués. Cette triste affaire me rappelle une petite histoire de la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud. On sentait venir cette fin. Des mesures commençaient à être prises pour rassembler peuple noir et peuple blanc. L’une de ces mesures consista à éliminer du langage le mot « noir ». Il fallait le remplacer par « de couleur ». Il n’y aurait désormais plus d’hommes noirs, mais des hommes de couleur. Il fallait ensuite voir le visage dubitatif et désemparé des enfants des écoles lorsqu’ils avaient besoin de crayons « noirs » et qu’ils étaient obligés d’acheter en librairie des crayons « de couleur ».
    Donc, selon les crétins-abrutis-imbéciles (merci l’Amérique des obèses et des armes à feu) qui souhaitent que chez nous le mot noir ne soit plus utilisé, comment va-t-on remplacer : le Noir et Blanc – le Cadre Noir de Saumur – le café noir (ou le petit « noir » du matin) – le noir de fumée – les Hussards Noirs de la République – les fameux trous noirs dans l’espace – le Rouge et le Noir de Stendhal – la chanson « noir c’est noir » de Johnny Halliday – une humeur noire – un œil au beurre noir – la nuit noire – la Mer Noire – une liste noire- un mouton noir – broyer du noir ? Et devrons-nous renier l’un de nos plus grands peintres, Pierre Soulages qui nous offrit ses Outrenoirs ? Tout cela me donne des idées noires.

  5. Comme le disait si justement Nicolas Boileau :  » ce qui se conçoit bien s’énnonce clairement » ! donc comme je ne conçois pas du tout clairement ce nouveau  » charabia » je vais continuer à m’exprimer en bon français – en bon anglais – en bon allemand, etc….
    Il faut beaucoup de mémoire pour maitriser  » des langues », alors si en plus il faut  » oublier » ce que l’on a appris, la communication ne sera pas aisée pour tout le monde.

  6. Ah, il faut « souligner la nécessité d’un langage clair et inclusif » ? Chiche !
    Ecrivez donc un texte de 10 lignes en un tel langage, avec vocabulaire non-discriminant et quelques accords en .e, et… lisez-le à haute voix : on verra tout de suite à quel point c’est clair !

  7. Pour qui se prend Rolade Berthier? Quelle hypocrite cette femme. Pourquoi laisse t-on la parole à des des individus de ce genre? Cette dame est dangereuse.

  8. Et après ça, ils, les élus et non élus de la Commission Européenne, et de l’UE tout court, feindront de s’étonner du dégoût qu’ils provoquent par leur seule existence.
    Cette UE est un énorme « machin » devenu aussi inutile que l’ONU, par la seule faute de celles et ceux qui la dirigent…
    À commencer par Von Der Leyen !

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