[Entretien exclusif] « Il faut une grande dynamique de la droite en Europe »

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À l'occasion du voyage à Budapest organisé pour ses lecteurs, BV a rencontré au Parlement hongrois Judit Varga. Ancien ministre de la Justice (2019-2023), députée, présidente de la commission des affaires européennes du Parlement hongrois - c'est elle qui a porté, en 2020, l'amendement à la Constitution hongroise stipulant que « la mère est une femme, le père est un homme ». Cette mère de famille de 43 ans a été choisie par Viktor Orbán pour être tête de liste du parti Fidesz aux prochaines élections européennes.

Comment ce petit pays est-il devenu le symbole de la résistance contre l'omnipotence européenne, notamment en matière migratoire et de wokisme ? Quelles sont ses recettes pour favoriser la natalité ? À quels écueils se heurte-t-il ? Peut-il tenir ? A-t-il des alliés potentiels dans le futur Parlement européen ? Quel regard porte-t-il sur l'état de la France et notre vie politique ? C'est à toutes ces questions que répond Judit Varga dans un entretien exclusif.

 

Gabrielle Cluzel. Vous étiez ministre de la justice et vous avez démissionné l’été dernier, à la demande de Viktor Orbán, pour être tête de liste aux élections européennes du 9 juin 2024. Pourquoi l’enjeu de ces élections est-il important ?

Judit Varga. L’enjeu est que l’Europe reste celle que nous aimons, un continent chrétien et un continent pour les Européens, et non qu’elle change complètement. On pourrait également retrouver le sens commun. L’Europe est en train de changer irréversiblement. Si on ne la remet pas sur la voie de la normalité, sur la voie pour être avec les gens au quotidien, si le leadership de l’Europe ne représente pas le véritable intérêt des peuples et des nations européennes, on va se perdre.

G. C. En France, Jordan Bardella (RN), Marion Maréchal (Reconquête) et François-Xavier Bellamy (LR) seront en tête de liste pour la droite. Les connaissez-vous ?

J. V. Excepté Marion Maréchal, je les connais. Ces personnes sont très importantes pour la droite. Il faudra être unis autour de quelques slogans : « non à l’immigration », « non à un super État européen » car nous voulons juste des nations qui coopèrent entre elles, « non à la guerre ». Il faudrait, également, que les nations occidentales adoptent le slogan « no gender ». Cela fait partie aussi de notre identité nationale : nos enfants, notre politique familiale font partie de notre souveraineté nationale. Personne ne peut dire aux Hongrois comment éduquer nos enfants.

G. C. La politique nataliste de la Hongrie donne-t-elle des résultats ?

J. V. Nous avons plusieurs recettes pour le défi démographique, c’est la première des priorités pour le gouvernement hongrois. Chaque État membre doit trouver les solutions qui correspondent à sa spécificité. En Hongrie, nous y consacrons 5,5 % du PIB, soit le double de la moyenne européenne. Il y a des réductions d’impôts, des aides financières pour les jeunes couples. Il y a également un grand changement de mentalité : quand vous travaillez et que vous attendez un enfant, par des réductions d’impôts liées au nombre d’enfants, vous êtes les gagnants de ce système. Notre philosophie est la suivante : travail, famille et bien-être.

G. C. En Hongrie, y a-t-il des répercussions sur la sécurité intérieure, depuis le conflit Israël/Hamas ?

J. V. Voici un chiffre : entre 2010 et 2022, nous avons réduit de 70 % les crimes en Hongrie. Pour nous, c’est une statistique importante. Notre pays est l’un des plus sûrs d’Europe et même du monde. Or, ce n’est pas l’Europe qui décide qui peut entrer sur son territoire mais ce sont les passeurs, les ONG qui décident. Nous ne pouvons pas parler d’une politique migratoire, nous ne la contrôlons pas. Elle a été externalisée aux mains des passeurs.

G. C. La question du soutien aux chrétiens d’Orient est-elle importante, pour la Hongrie ?

J. V. Depuis 2017, nous avons un programme « Hungary Helps » qui déploie une politique pour soutenir les chrétiens persécutés dans le monde. En effet, la religion chrétienne est la plus persécutée. La Hongrie n’a pas un grand pouvoir économique, mais proportionnellement, nous les soutenons beaucoup. Nous estimons qu’il ne faut pas importer les problèmes en Europe mais apporter des solutions dans les régions qui ont besoin d’aide. En tant qu’Hongrois, nous sommes la conscience de beaucoup de citoyens de l’Ouest.

J’en reviens à votre question sur les chefs de file de la droite en France. Je pense qu’il faudra avoir un grand dynamisme pour rassembler toutes les droites. Et à l’issue des résultats, nous pourrons réfléchir sur les positions. En Espagne, par exemple, le Parti populaire a agi contre l’autre parti de droite, Vox, de M. Abascal. C’est une erreur car les deux ont perdu et la gauche a gagné. C’était une mauvaise stratégie. Il faut être uni, avoir un grand dynamisme et dire que l’enjeu est le futur de l’Europe, notre culture chrétienne, le sens commun et la proximité avec notre peuple. Malheureusement, en raison des divisions de la droite, en Europe de l’Ouest, ce dynamisme peut être perdu. Nous allons écrire sur des drapeaux « no migration », « no gender » et « no war ».

Question du public : Quel regard portez-vous sur la situation migratoire en France ?

J. V. Merci pour cette question très honnête. Malheureusement, votre société ne peut plus décider de cette question. Nous, au contraire, nous pouvons encore décider, à savoir « est-ce que nous voulons vivre ensemble avec vous ? »  En France, vous en êtes déjà  à « comment va-t-on vivre ensemble ? », car une société parallèle est déjà là. J’ai habité à Bruxelles, et en neuf ans, j’ai vu la situation se détériorer. Si 10 % de votre électorat est musulman, c'est déjà à la 25e heure… Mais je suis optimiste, et il faut reconnaître s’il y a des fautes et de mauvaises décisions. Il faut arrêter avec la division de la droite et les campagnes contre la droite. C’est mon avis, mais je ne voudrais pas dire comment on doit agir dans un autre État souverain. Vous avez une autre Histoire, en particulier pour ce qui concerne l’immigration, vous avez eu des colonies et c’est donc une relation différente.

À Bruxelles, le parti de Macron, Renaissance, devrait redevenir un parti libéral et non un parti gauchisant et décadent.

Question du public : Parlez-vous avec ce parti ? 

J. V. Ce qui est libéral en Hongrie ne correspond pas forcément à la même définition pour d'autres en Europe. Il existe une division entre les souverainistes et les fédéralistes. Être davantage souverainiste, c’est pour moi la clé pour capter l’attention de vos électeurs. Votre problème avec l’Europe est différent du nôtre en Hongrie. L’Europe travaille contre les intérêts industriels et économiques des nations. L’Europe voudrait toujours avoir un regard sur nos affaires. Malheureusement, les politiciens en campagne peuvent vous attirer avec des promesses qui correspondent à vos problèmes, mais une fois élus au Parlement européen, ils coopèrent avec les autres, et non selon leur programme de campagne. Pour les électeurs, c’est très difficile de contrer cela. C’est pourquoi nous défendons la souveraineté énergétique, économique et sociale. Nous voulons moins d’Europe et plus de réalité et d’intelligence. Nous voulons une Europe plus intelligente, qui accentue la coopération entre Européens pour les sujets qui ont une valeur supérieure.

En France, Renew ou Renaissance est ainsi nommé car Emmanuel Macron a un problème avec le mot « libéral ». Je ne peux pas donner la recette magique pour cela, mais je pense qu’il faut être réel et défendre la souveraineté, et qu’il faut avoir dans votre pays, la France, un choix politique. Il existe quelques partis qui correspondent à cette demande de défendre la souveraineté. Je pense que le XXIe siècle maintiendra la souveraineté. Quand il existe un gouvernement solide, celui-ci peut sauvegarder la souveraineté.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/12/2023 à 7:15.
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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Ça me conforte dans mon envie d’aller y faire un tour. Ça tombe bien, je vais à Budapest début mars prochain.

    Merci à Mme Varga qui fait renaître quelque espoir. J’espère que la Hongrie saura insuffler un élan dans cette Europe dévoyée.

  2. C’est normale ! Pourquoi ? Parce que c’est la seul qui soit à peux près Patriotique ! Même si une partie a oublié l’esprit de Gaulisme et du Général De Gaule ! Je soutient sans réserve la vision Géopolitique et Géostratégique de son Petit Fils Pierre De Gaule ! Amitiés à lui Hervé de Néoules !

  3. Bravo à cette dame pour sa maîtrise du Français. Dommage que cet interview ne soit pas diffusé sur Cnews à une heure de grande écoute. J’en retiens trois choses : 1) Les Elections Européennes seront un enjeux crucial pour notre avenir. Les menaces qui pèsent sur nos libertés sont terribles et en France, on en parle pas assez.
    2) Seul l’union des droites pourra sauver le pays. 3) Nous les Hongrois, nous avons fait le job. Vous, les Français, si vous voulez survivre, à vous de jouer !

  4. Ce petit pays tient tête aux dictateurs de Bruxelles , la France deuxième contributeur de l’union donc pouvant imposer sa souveraineté se couche devant cette oligarchie , c’est bien une volonté politique de détruire notre pays .

  5. Tout ce qui peut accélérer la fin de l’ue est bon à prendre !!! Bravo à Judit Varga, elle fait honneur à la Hongrie !

  6. Bravo pour cet interview de Judit Varga ! Très intéressant et rassurant d’entendre enfin la voix de la raison ! En tant que grand ami de la Hongrie où nous avons vécu plusieurs années j’apprécie le courage politique de ce petit pays ! Nagyon örülök hogy Gabrielle és Judit találkozhattak ! Nagyon érdekes volt ! Minden jót kívánok Judittal !

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