« Enfant d’immigrés, je voudrais que cette France éternelle reste la France »

Sur le plateau de CNews, ce 13 novembre, Amine Elbahi, juriste en droit public, appelait à « inscrire l’héritage culturel chrétien de la France dans la Constitution ». BV lui a demandé de préciser sa pensée.

Clémence de Longraye. Sur CNews, vous avez appelé à inscrire l'héritage culturel chrétien de la France dans la Constitution. Pourquoi est-ce important, en ce moment ?

Amine Elbahi. Au lendemain de la marche contre l’antisémitisme, qui a réuni plus de 100.000 Français à Paris, et au total près de 200.000 Français sur le territoire national, il est extrêmement important, aujourd’hui, de refaire nation. La France est aujourd’hui en train de renoncer à sa culture, à son Histoire, peut-être même à une partie de son identité. J’ai appelé à inscrire l’héritage culturel chrétien de la France dans la Constitution, ce n’est pas attentatoire à la laïcité. Au contraire, c’est même préserver cette idée historique d’un esprit de tolérance, de neutralité, de séparation, dans le respect de l’identité chrétienne de la France. Aujourd'hui, je constate que la France est en train de renoncer à 2.000 ans d’Histoire chrétienne. Autrefois, nos églises étaient des bastions de foi et de communion ; elles se vident à vue d’œil. La société française dans son ensemble est en train de renoncer au sacré. Elle renonce à ce qu’elle était, à son héritage. À l’échelle d’une ville comme Roubaix frappée par le chômage, la misère, la montée du communautarisme et des revendications communautaires, la montée de l’islamisme, s’il existe des quartiers repliés sur eux-mêmes et un climat de tension, c’est parce que l’État a totalement délaissé la société et, dans la société, toutes nos valeurs apportées par la chrétienté.

C. de L. Comment expliquer que la société française délaisse son identité ?

A. E. Voici un exemple : on dit souvent que les musulmans sont animés par un sentiment d’infériorité  dans les débats sur les discriminations ou l’islamophobie. Je crois l'exact contraire. Nos compatriotes musulmans sont animés par un sentiment de supériorité. En effet, aujourd’hui, la France est vue par les pays musulmans comme une société décadente et une société qui a renoncé à ce qu’elle est. Imaginez un seul instant un pays d’Afrique renoncer à sa civilisation ! Aucun pays d’Afrique n’a renoncé à sa civilisation dans sa Constitution. On a une vision très faussée de la société : à mesure que les églises se sont vidées et que le patrimoine culturel chrétien de la France n’a pas été entretenu, le patrimoine et le sacré, pour nos compatriotes musulmans, et même pour l’obédience israélite, ont été préservés. Ce ne sont pas les musulmans qui ont vidé les églises en France. C’est la société française qui a renoncé à ce qu’elle est. De ce point de vue, nos compatriotes musulmans ont peut-être raison. Les musulmans de France qui aiment la France et se sont battus pour elle, ceux qui ont prié Allah peuvent aider la France à renouer avec le sacré : en redonnant du pouvoir à nos aînés, en laissant place à la réflexion, en renonçant au consumérisme et au superficiel et au matériel. Le sacré n’est pas seulement un sacré ascendant entre l’État et la religion, ça peut être aussi un sacré transcendant, c’est-à-dire redessiner un discours, autour de la nation, réinstaurer l’uniforme à l’école, ça peut être aussi rétablir le service militaire obligatoire. C’est redonner l’envie, le goût de refaire nation.

Aujourd’hui, la France n’est plus qu’un lointain souvenir, pour certains jeunes issus des quartiers populaires et issus de l’immigration. Je suis enfant d’immigrés et de culture musulmane, j’aime la France et je voudrais que cette France éternelle reste la France. Je le dis sans distinction, dans le respect des croyances de chacun. Il est extrêmement important que la France renoue avec ce qu’elle est. Je pourrais citer Patrick Buisson dans Décadanse où il explique que, si on en est arrivé là, c’est parce que l’État et la société française ont renoncé à leur identité culturelle chrétienne.

C. de L. Pensez-vous que cette proposition puisse facilement être mise en œuvre ?

A. E. Cela fait un an que je parcours la France et que j’exprime librement mes opinions, sans arrière-pensée partisane. Cette idée d'inscrire l'héritage chrétien dans la Constitution a déjà été émise par de nombreux acteurs politiques de droite. Elle a été largement partagée par François Fillon, puis par Éric Ciotti et, enfin, par Éric Zemmour. Aujourd'hui, je pense même que le Rassemblement national partage également cette idée qui semble réunir le peuple de droite attaché à son héritage, à l’amour de la France et à la civilisation. Demain, la France doit réussir ce défi du XXI^e siècle qui n’est pas le « vivre ensemble » mais le « faire ensemble ». Pour « faire ensemble », il ne faut pas renoncer, car renoncer, c’est accepter cet éternel recommencement : les atteintes contre nos compatriotes, juifs, chrétiens ou musulmans. Pour lutter contre tout cela et contre ce qui porte atteinte au combat des patriotes et des républicains de ce pays, il faut faire l’union et refaire nation. Ce n’est pas une idée sortie du chapeau ou un coup de communication, c’est une idée relevant du symbole et qui permettra, demain, de faire face au déclin programmé, au déclin démographique français, à la submersion migratoire qui pourrait appeler un effacement culturel de l’héritage français d’ici vingt à trente ans. C’est le combat de notre génération : préserver ce qui reste encore à préserver, l’âme de la France.

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