La politique du Président devient de plus en plus illisible. Lui qui se faisait fort d’être un chef de l’État pédagogue, capable d’expliciter ses réformes, s’enferme comme ses prédécesseurs dans une opacité coupable. Il a pourtant toutes les cartes en main avec une majorité absolue de députés de La République en marche, occasionnellement renforcée par des « constructifs » venus de la droite et certains anciens socialistes proches de Manuel Valls. Au fond, ce n’est pas l’idée de réformer le Code du travail, constitué de 1.892 pages en 1990 contre près de 4.000 aujourd’hui, qui dérangera les Français, mais bien l’inaptitude du gouvernement à fixer un cap clair. Que réformer ? Pourquoi ? Et, surtout, comment ?

Trois chantiers seront prioritairement traités par Muriel Pénicaud, chargée de la lourde tâche de veiller au respect du calendrier des réformes : restructurer et simplifier les branches professionnelles, plafonner les indemnités prud’homales et diminuer le coût du travail en basculant une partie des contributions sociales sur la contribution sociale généralisée, payée par les salariés mais aussi par les fonctionnaires et les retraités. Dans un monde idéal tel que décrit par Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle, ces mesures de "bon sens" n’auraient que des conséquences positives, s’emboîtant naturellement pour dépoussiérer un marché du travail endormi depuis les années 1990.

Ce plan sans accroc, trop beau pour être vrai, trahit l’impréparation d’Emmanuel Macron. Prenons l’exemple phare du gouvernement, voulant que la baisse des charges salariales soit mécaniquement compensée par une hausse de la CSG : il ne résiste pas à l’épreuve des faits. Pourquoi ? Tout simplement parce que la proposition est inconstitutionnelle, les cotisations sociales n’étant pas des impôts comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans une décision du 6 août 2014. Oh, Jupiter peut bien croire que les lois ne sont rien sans la force des légions. Reste qu’il devra probablement faire face à une saisine du Conseil constitutionnel, sans garantie aucune d’un revirement de jurisprudence.

La suite est à l’avenant, Emmanuel Macron négociant avec des syndicats, moins hostiles qu’à l’accoutumée, à l’image de Force ouvrière ou de la CFDT, qui ne représentent que 5 % des travailleurs du secteur privé, soit le plus faible total des pays de l’OCDE ! Car, que sont devenus les gros syndicats français, si ce n’est les partenaires rêvés des grands patrons ? De fait, les accords de branche ne concernent qu’un tout petit nombre de travailleurs, majoritairement dans de grands groupes… En somme, et nous en avons l’habitude, les PME et leurs salariés trinqueront, éternels oubliés de ces grands banquets républicains réunissant monarques politiques, économiques et syndicaux, soit sous une nouvelle forme, la noblesse, le clergé et le tiers état, si peu représentatif de l’ensemble du peuple.

Je ne suis pas, par principe, opposée à une refonte des règles encadrant le travail salarié dans notre pays, mais j’attends des garanties pour l’ensemble des acteurs, d’abord les employés, ensuite les chefs d’entreprise. Pour l’instant, la réforme menée par Emmanuel Macron lui ressemble beaucoup : de l’esbroufe, encore de l’esbroufe et toujours de l’esbroufe. En outre, faut-il encore rappeler que ce n’est pas la « négociation par branche » qui crée des emplois mais bien le contexte macroéconomique ? Nos entreprises ont beaucoup plus besoin de carnets de commandes bien remplis que d’un nouveau Code du travail…

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27 septembre 2017 à 14:18

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