Ce dimanche dernier, les Turcs votaient à la fois aux élections présidentielles et législatives. Sans grande surprise, le président sortant Recep Tayyip Erdoğan est reconduit dès le premier tour, avec 52,5 % des suffrages, tandis que l’alliance conduite par l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir, totalise 53,61 % des votes.

Le social-démocrate Muharrem İnce réalise une belle performance, avec 30,7 % des voix, même s’il espérait obliger Erdoğan à affronter un second tour. Pareillement, l’opposition à la coalition au pouvoir, quoique forte de ses 34 %, devra se contenter de faire de la figuration dans la prochaine assemblée.

Si l’on résume, Recep Tayyip Erdoğan a beau ressentir l’usure du pouvoir – quinze ans qu’il se trouve aux affaires –, il demeure malgré tout le grand gagnant de ces deux scrutins ; ce, au grand dam des médias occidentaux qui, jusqu’au bout, ont ouvertement roulé pour Muharrem İnce, aussi turcs aujourd’hui qu’ils étaient, hier, américains en appelant à voter Hillary Clinton contre Donald Trump. À ce titre, on notera que ce sont généralement les mêmes journalistes qui font mine de s’indigner des prétendues ingérences russes dans notre dernière élection présidentielle…

Plus sérieusement, et au-delà de postures médiatiques, celle des gouvernements occidentaux a de quoi laisser dubitatif, que ce soit dans le cas de Recep Tayyip Erdoğan ou de Vladimir Poutine. En effet, ces deux pays ont ceci de commun, se trouvant à cheval entre l’Europe et l’Asie, d’être tiraillés entre ces deux tentations consistant à s’ouvrir à l’Ouest pour l’une, à l’Est pour l’autre. Et s’il a été proposé à ces nations de s’arrimer à l’Europe, ce fut à chaque fois pour leur claquer la porte sur les doigts. En ce sens, les présidents turc et russe qui partagent aussi la même déception de l’Europe ont désormais décidé de reprendre en quelque sorte leur indépendance, cette dernière les poussant à trouver d’autres alliances plus septentrionales - la Chine au premier chef. Voire l’Iran, lui aussi déçu par la pusillanimité européenne sur le dossier nucléaire.

Si Erdoğan et Poutine sont tentés de désormais se considérer, l’un comme sultan et l’autre tel un tsar, le processus ne peut qu’être amplifié et accéléré par notre politique, à la fois brouillonne et arrogante : que valent nos droits de l’homme façon LGBT face au poids d’empires historiques, ancrés dans une foi multimillénaire, chrétienne comme islamique ? Pour tout arranger, le torchon brûle avec les USA et ce ne sont pas nos éternelles leçons de moraline qui pourront ramener le fougueux locataire de la Maison-Blanche à la sérénité, tandis que, de la construction européenne, ne demeurent plus qu’une Allemagne chancelante et une France qui se cherche.

A contrario, Recep Tayyip Erdoğan, lui, non content de faire de la politique, sait quelle politique il mène et, surtout, se donne les moyens de cette politique. Il est Soliman le Magnifique. En France, on cherche encore un François Ier.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:26.

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25 juin 2018 à 16:32

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