[ÉDITO] On ne badine pas avec la Légion d’honneur

La nouvelle est tombée dans la nuit de dimanche à lundi : Nicolas Sarkozy a été exclu des ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite. Certes, il y a des événements plus graves et plus douloureux dans ce monde, mais celui-ci est tout sauf anodin. C’est dit et répété à l’envi : c’est la deuxième fois, seulement, depuis la création de la Légion d’honneur, le 19 mai 1802, par le Premier consul Napoléon Bonaparte, qu’un chef de l’État ou ancien chef d’État est exclu de la Légion d’honneur. La première fois, ce fut le 15 août 1945, lorsque la Haute Cour de Justice condamna le maréchal Pétain à la peine de mort (qui sera commuée) et à l’indignité nationale.
Quelque chose d'historique
Lorsque Napoléon Ier, Charles X, Louis-Philippe ou Napoléon III abdiquèrent, prirent l’exil ou furent déchus, personne en France n’imagina leur retirer la grand-croix de l’ordre impérial, puis royal et, de nouveau, impérial dont ils avaient été les grands maîtres. La République, pourtant souvent rancunière et mesquine, n’eut pas cette indélicatesse à l’égard du dernier souverain de France que fut le neveu du fondateur de l'Ordre. C’est dire si cette indignité qui frappe aujourd’hui Nicolas Sarkozy a quelque chose d’historique. Elle est, évidemment, la conséquence de sa condamnation définitive dans l’affaire dite « Paul Bismuth », après le rejet du pourvoi en cassation de l’ancien président de la République. Une affaire dans laquelle il n’a cessé de clamer son innocence et de dénoncer une justice à charge, le bafouement de ses droits de justiciable et, plus largement, un harcèlement judiciaire qui dure depuis des années. C’est d’ailleurs pourquoi Nicolas Sarkozy a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, saisine qui ne suspend pas la peine et ne pourra conduire, à terme, qu’à une éventuelle révision de son procès.
À ce sujet — Nicolas Sarkozy exclu de la Légion d’honneur
La loi dans toute sa rigueur
En attendant, quoi qu’on en pense, la loi s’applique avec toute sa rigueur pour Nicolas Sarkozy : en l’occurrence, son exclusion des ordres nationaux et son interdiction de porter les insignes de toute décoration étrangère (ce n'est pas le genre de Nicolas Sarkozy, notamment chevalier de la Toison d'or espagnole, mais c'est dire si, symboliquement, la sanction est lourde). Une exclusion qui est « de droit », comme l’avait dit très précisément, justement et laconiquement, le général d'armée François Lecointre, grand chancelier de la Légion d’honneur. On ne va pas embêter le lecteur avec les articles du Code de la Légion d’honneur (qui sont l'expression de la loi !), mais une lecture sérieuse nous dit que tout était malheureusement écrit, pour Nicolas Sarkozy, sa condamnation définitive étant prononcée. Une sorte de peine annexe automatique. Finalement, un peu dans l’air du temps…
Emmanuel Macron a perdu une occasion de se taire
Et Emmanuel Macron ne pouvait rien pour Nicolas Sarkozy, comme on l’a laissé entendre ici et là et comme l’avait laissé entendre Emmanuel Macron lui-même : « Je pense que c’est très important que les anciens Présidents soient respectés » et que « ce ne serait pas une bonne décision », s’était-il justifié, en mars dernier, pour dire qu’il ne signerait pas de décret d’exclusion. Mais ce jour-là, Emmanuel Macron perdit, une fois de plus, une occasion de se taire car – on le répète – cette exclusion était « de droit ». Et l’on ne peut qu’être consterné par cette légèreté des propos d’Emmanuel Macron. Si les anciens Présidents doivent être respectés, la fonction de Président et nos ordres nationaux méritent un plus grand respect, encore. Nicolas Sarkozy, dans l’indignité qui le frappe aujourd'hui, fait d'ailleurs preuve d’une grande dignité en « prenant acte » de l'arrêté du grand chancelier. En revanche, les arguments d’école maternelle d’Emmanuel Macron pour justifier qu’il ne signerait pas un décret, qu’il n’avait de toute façon pas à prendre, illustrent encore une fois cette propension chez ce personnage à « se prendre pour le roi », à vouloir faire croire qu'il peut agir sur le cours des choses alors qu’il n’y peut rien. On le voit dans cette affaire comme dans les grandes affaires de ce monde.
Quant au général Lecointre, on ne peut que saluer le fait qu’il n’a pas tergiversé. On imagine qu’il n’a sans doute pas signé de gaieté de cœur l’arrêté excluant de l’ordre national de la Légion d’honneur un ancien président de la République. D’autres auraient peut-être joué la montre en attendant que la Justice administrative ne se prononce. Le général Lecointre a montré qu’on ne badine pas avec la Légion d’honneur. Il sauve l'honneur et peut-être la Légion d'honneur.
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124 commentaires
Je ne crois pas qu’il s’agit pour Macron de « se prendre pour le roi », je crois qu’il est non intelligent. Une personne cultivée est une personne qui a engrangé un grand nombre de connaissances et Emmanuel Macron est certainement une personne cultivée. Une personne intelligente est celle qui sait utiliser ses connaissances, son expérience, les relier entre elles afin d’en tirer des arguments et des décisions et alors là… au secours. Cela permet d’expliquer qu’il a toujours faux sur tout! Une telle personne à la tête d’un pays c’est dangereux.
Désolé, mais, si les ordres de l’Ancien Régime donnaient à leurs récipiendaires plus d’obligations que d’avantages, Napoléon Bonaparte, qui savait mieux que quiconque singer l’ordre ancien, avait bien indiqué qu’il s’agissait d’un hochet destiné à stimuler l’honneur et la loyauté (au Régime, en l’occurrence, à sa personne !). Si la Légion d’Honneur à titre militaire est restée un insigne honorable (bien qu’elle ait été retirée à maintes occasions aux « vaincus » pour des raisons purement politiques), elle a été, depuis bien longtemps, galvaudée à titre civil par l’identité des récipiendaires (les copains et les coquins ) ! Macron n’en est pas à son coup d’essai pour faire preuve de son immaturité et de son incompétence. Par ailleurs, ce n’est pas le premier à discréditer sa fonction de chef d’État français, Mitterrand (ancien avocat lui-même), premier magistrat de France, déplorait « la force injuste de la loi » ! Tout ça n’indique pas un bon fonctionnement des institutions de notre pays, qu’il s’agisse du corps législatif qui associe le droit imprescriptible à la vie de tout individu au droit imprescriptible de tuer l’enfant dans le sein de sa mère, ou du corps des juges qui ne jugent pas « au nom du peuple français » mais en leur nom propre sans en assumer la responsabilité.