[ÉDITO] Macron, le va-t-en-guerre

macron

La dernière fois que la France a été en guerre contre la Russie, c’était en Crimée, de 1853 à 1856. À une époque où la main-d’œuvre n’était pas chère, la France expédia dans cette lointaine contrée plus de 300.000 hommes aux côtés des Britanniques, des Turcs et des Sardes pour s’opposer à l’expansionnisme russe alors que l’Empire ottoman était en plein déclin. Près de 100.000 de nos soldats ne revinrent pas de cette guerre. À l’époque, la France, qui faisait encore jeu égal avec l’empire des Romanov, dépensa dans ce conflit plus de 145 millions de livres sterling quand la Russie, elle, y laissa 144,5 millions de livres et le Royaume-Uni plus de 164 millions de livres. Un rappel historique qui devrait permettre de remettre les choses en perspective, alors qu’Emmanuel Macron, lundi soir, lors de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine qui réunissait 21 chefs d’État et de gouvernement à l’Élysée, a fait une déclaration on ne peut plus belliqueuse.

« En dynamique, rien ne doit être exclu. »

Envoi de troupes au sol occidentales en Ukraine ? « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée [comprendre que l’Occident a déjà « du monde » là-bas ? Probablement] des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. » « En dynamique » : qu’est-ce que veut dire ce charabia ? Que ce qui était exclu hier ne l’est plus aujourd’hui et encore moins demain. Et d’ailleurs, ajoute le Président : « Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. » Tout. C’est-à-dire ? Tout, sauf à ce que Macron bluffe ou soit fou (ce qu’on exclut par construction intellectuelle), cela veut bien dire jusqu’à envoyer des troupes au sol. « Tout », cela pourrait signifier de tenter le grand jeu diplomatique avec la Chine, les pays arabes, la Turquie (encore et toujours elle !), voire Israël, qui n’a peut-être pas trop envie que l’attention des Occidentaux se détourne de son sort pour regarder nach Osten. Mais, visiblement, dans ce grand « tout », l’option diplomatique semble écartée. Mais avons-nous encore une diplomatie française ? Avec un Séjourné au Quai d'Orsay, on peut en douter.

Emmanuel Macron, avec ses petits bras musclés...

Mais que nous fait donc là Macron ? Alors qu’effectivement, chez nos alliés, ça ne se bat pas spécialement au portillon pour aller mener une guerre fraîche et joyeuse dans les plaines d’Ukraine, qu’aux États-Unis, la Chambre des représentants à majorité républicaine bloque toujours un plan d’aide à l’Ukraine de 60 milliards de dollars, que Biden, à quelques mois de l’élection présidentielle, ne doit pas spécialement avoir envie de se lancer dans une guerre mondiale, que le chancelier allemand vient de rejeter la demande de l’Ukraine de lui livrer des missiles de longue portée Taurus, Emmanuel Macron, avec ses petits bras musclés, n’exclut aucune option. Son Premier ministre a du reste confirmé la chose, ce mardi matin, sur le plateau de RTL : Emmanuel Macron « a été clair sur le sujet », a déclaré Gabriel Attal.

On en sourirait s’il ne s’agissait de la France

Donc Macron, dans son petit treillis bien repassé, impérial, déclare qu’il veut maintenir une « ambiguïté stratégique ». C'est ce qu'on doit appeler le « brouillard de la guerre ». La réponse du Kremlin ne s’est pas fait attendre, laconique et sans ambiguïté : ce ne serait pas « dans l’intérêt des Occidentaux » que d'envoyer des troupes au sol en Ukraine. Encore moins ambiguë, la déclaration du chancelier allemand Olaf Scholz, ce mardi matin : « Il n'y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens ni par les États de l'OTAN sur le sol ukrainien. » Et le gouvernement italien, à son tour, de s'aligner sur la position de Scholz. Lundi, c’était « Rantanplan, on va leur percer le flanc », comme chantaient les grognards de Napoléon, baïonnette au canon. Mardi, il nous reste Rantanplan tout court. On en sourirait s’il ne s’agissait de la France.

A-t-on les moyens ?

Car la question de fond, au-delà des déclarations va-t-en-guerre de plateau télé et de salles de conférences bien douillettes, est double. Primo, a-t-on les moyens de faire la guerre à la Russie qui a le temps, la profondeur stratégique et qui fonctionne en économie de guerre ? Juste deux chiffres. La France serait capable de tenir, avec ses forces terrestres dans le cadre d’un conflit de haute intensité, au mieux un front de 80 kilomètres, selon l’expert de défense Jean-Dominique Merchet. Le front russo-ukrainien s’étire sur près de 1.000 kilomètres… Secundo, et c’est sans doute la question essentielle : les Français sont-ils prêts à voir revenir des centaines, voire des milliers de tués et de blessés, estropiés à vie dont certains termineront en faisant la manche dans le métro ? Car, il faut voir la réalité en face, c’est bien ce qui se passerait si l'on participait à cette guerre qui est plus proche de celle de 14-18 que de celle des étoiles. Les Français sont-ils prêts à payer le prix d'une guerre dont ils ne sont peut-être pas convaincus que c’est la leur ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

226 commentaires

  1. Il est vrai que cette guerre Ukraine/Russie n’est pas la notre. Nous sommes déjà fort mécontents de voir toutes les aides qui pourraient être très utiles en interne filer vers un des pays les plus corrompus de l’Est. Alors, y envoyer de la chair fraîche française : pas question ! une fois de plus, Macron montre à l’étranger son incompétence et sa désinvolture. Quant à la diplomatie Séjourné ne sera pas aidé par le corps diplomatique français puisque notre président a cru bon le dissoudre !

  2. Une troisième guerre mondiale ne durerait probablement que quelques heures. Déjà, dès les sept premières minutes, boum, la France vitrifiée par les six têtes nucléaires d’un unique missile Satan 2. Et faut-il rappeler qu’il n’y a absolument aucun moyen d’intercepter un tel missile ? Une interception ne serait possible que durant les 1000 premiers kilomètres, le temps au missile d’atteindre son altitude de croisière. Or on n’a aucune idée d’où il partirait, le territoire russe équipé de zones le lancement étant tellement vaste. Et puis on perdrait de toutes façons de précieuses minutes le temps de prendre la décision de réagir. De plus il faudrait que l’intercepteur parte lui aussi d’une zone suffisamment proche… ce qui est totalement impossible. Ensuite une fois l’altitude de croisière atteinte plus aucune interception n’est possible, ni à l’arrivée puisque les têtes nucléaires se séparent pour atteindre en même temps six objectifs différents. Dernier détail, les missiles lanceurs de Satan 2 peuvent franchir la distance Moscou-Paris en seulement 7 minutes.

    Déclaration de guerre. Réaction immédiate de Poutine. Hop ! 7 minutes plus tard, déjà plus de territoire français. Environ 20 millions de personnes vaporisées en quelques secondes dans six grandes villes de France bien choisies, la même quantité brûlée au troisième degré sans secours possibles sur des centaines de kilomètres de rayon, puis 20 millions de français (et belges, et allemands, et suisses) touchés par les retombées radioactives portées par les vents lors de jours et semaines qui suivent. Et dès les heures qui suivent les six boums, un pays déjà définitivement sombré dans le chaos.

    Tous les chefs d’états étrangers sont manifestement bien conscients de ce scénario. Macron, lui, non… il vit dans son petit rêve au pays de Candi.

    Avec une telle déclaration de Macron, on a la preuve indiscutable que la France est présidée par un tartuffe assorti d’un irresponsable.

  3. Il faut faire passer le mot, au Maghreb et en Afrique, que Macron recherche des hommes forts pour aller se battre en Ukraine!!!

  4. Pour faire la guerre il faut du matériel , beaucoup de matériel très couteux , et on n’en a pas. .
    Pour faire la guerre il faut une population éduquée à faire la guerre depuis le berceau , et on ne l’a pas.
    Pour faire la guerre il faut une volonté de revanche contre un ennemi , et on ne l’a pas .
    Notre armée se réduit à une petite armée professionnelle capable de faire des opérations de police dans nos ex-colonies africaines , et c’est terminé .
    Il nous reste la force nucléaire , avec nos amis anglais qui sont partis de l’UE.
    Les autres pays de l’UE ont encore moins que nous dans le domaine militaire .
    Alors Macron aurait mieux fait de se taire , il ne parle que pour nous ridiculiser à l’étranger .

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