Cela revient de plus en plus dans le débat public et sur le plan international.

Au point qu'on s'interroge gravement, comme il y a la montée du populisme en Europe, sur le fait de savoir si la France "est à l'abri".

L'excellent Dominique Reynié y voit "un risque d'effondrement de l'Europe", tandis que notre président de la République, paraît-il, s'espérant en dernier recours, prend ce mal pour un bien.

Pour ma part, j'éprouve un lancinant besoin de comprendre non plus seulement ces pulsions populistes mais cette volonté des peuples, qui se généralise à l'est comme à l'ouest. Furieux d'avoir été relégués, voire oubliés, ils révèlent des attentes insatisfaites et des frustrations considérables et ruent dans les brancards démocratiques pour manifester haut et fort qu'ils existent.

Le dégagisme, l'ampleur des extrémismes et l'indifférence à l'égard de la politique classique en sont des preuves éclatantes.

On ne peut plus se contenter de se moquer de ces exacerbations si peu conformes à nos visions équilibrées de l'exercice du pouvoir ou de les juger purement négatives sans chercher à mesurer ce qu'elles nous disent.

Il me semble que, précisément, une trompeuse harmonie politique, trop souvent accordée à une forme d'impuissance et à un dédain du réel, n'est plus tolérée. Les communautés nationales sont prêtes, dans leur majorité, à suivre des leaders qui nomment un chat un chat et n'ont pas peur de briser des conformismes, de susciter des scandales par rapport à ce que la démocratie a de décalé et de convenu pour apaiser les souffrances de la multitude des laissés-pour-compte.

Ce malaise qui, dans la psychologie collective, attise les envies de brutalité intellectuelle et de manichéisme sommaire, s'il doit être analysé et perçu comme il le mérite, ne démontre pas forcément la validité de la cause qu'il jette sans nuance au visage de toutes les rationalités trop paisibles. Il n'empêche qu'il n'est pas absurde de tirer cette conclusion d'un processus qui n'a cessé de faire sortir les peuples par la porte : ils sont revenus en force par la fenêtre, et avec une intensité, une vigueur, une outrance exceptionnelles, en s'étant mués en un populisme qui n'est plus prêt à faire des concessions.

Le populisme n'est plus seulement le nom dont la gauche affublait le peuple dès lors que celui-ci pensait et votait mal : en faveur de la droite et de l'extrême droite.

Il est aussi l'expression d'un peuple désespéré de n'avoir pas été entendu et qui en fait trop par compensation.

Rien ne serait pire que de continuer à cultiver une attitude de condescendance et de mépris à l'encontre de ces phénomènes politiques et sociologiques qui ne pourront être réduits qu'à condition de retrouver, sous le populisme, le peuple et la légitimité de ses aspirations.

Le populisme n'est pas une maladie honteuse sur le plan politique, il ne domine pas en Europe pour rien et la France se trouve, avec Emmanuel Macron, dans un populisme singulier, de culture, d'autorité, de soie et de velours, mais il convient de se garder de toute tentation de le laisser s'installer en nous et gangrener ce que nous avons le devoir d'être.

1783 vues

19 mars 2018 à 12:00

Partager

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.