Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, un marché de Noël réservé aux « créateurs africains et afro-descendants » !

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Le Hasard ludique, à Paris, vous connaissez ? Au moment de sa création, au printemps 2017, Télérama assurait qu’il s’agissait d’un lieu appelé à « devenir le spot le plus cool du 18e arrondissement » de la capitale.

Installé dans l’ancienne gare de l’avenue de Saint-Ouen, sur la ligne désaffectée de la Petite Ceinture, ce « lieu culturel hybride » propose bar, restau, soirées, concerts, etc. Bref, vous l’aurez compris, c’est là que bat le cœur bobo chic de la capitale. Parenthèse : j’ai cherché à savoir qui et comment l’on a offert au Hasard ludique cette jolie gare parisienne, mais je n’ai trouvé aucune information sur le sujet.

Le Hasard ludique hébergeait, ce week-end, un événement qui ne manque pas d’interroger : un marché de Noël strictement réservé aux commerçants « créateurs africains et afro-descendants », à l’initiative de l’association Je Consomme noir. Au moins, la philosophie est claire, évidente.

Des internautes se sont indignés – quand même – devant ce qui relève ouvertement d’une démarche ségrégationniste et discriminatoire parfaitement assumée, démarche dont on croyait jusqu’ici, naïfs que nous sommes, qu’elle était illégale.

Erreur, répond au Figaro Me Michaël Amado, avocat aux barreaux de Paris et du Québec et spécialiste du droit commercial : « Au même titre qu’un marché de Noël alsacien, provençal ou antillais, rien n’empêche les commerçant de se regrouper autour d’un thème, que ce soit celui d’être Noir, Africain ou Afro-descendant », explique l'avocat. En revanche, « il serait discriminatoire d’interdire aux consommateurs de venir profiter des produits au seul prétexte qu’ils ne feraient pas partie de la communauté organisatrice », ce qui n’est pas le cas.

On le voit, la nuance est subtile et appelle quelques remarques. Tout d’abord, il me semble que « Noir, Africain ou Afro-descendant » n’est pas une spécialité régionale mais bien raciale, ou racialiste, sinon raciste. Je relève, d’ailleurs, que l’une des bénévoles de l’association confie benoîtement au Figaro qu’elle a eu des retours positifs de la part de clients « de toutes les races ». Elle doit ignorer, cette belle enfant, que depuis juillet 2012, l’Assemblée a banni le mot « race » de la Constitution française.

La race, c’est affreux. Interdit en mémoire des heures les plus sombres de notre Histoire. Sauf si l’on consomme noir, donc. Ça ne fonctionne que dans ce sens, et n’imaginez pas pouvoir organiser un marché de Noël réservé aux créateurs français de souche. Les « antifascistes de kermesse », comme disait Lionel Jospin, après les avoir bien nourris au sein de la gauche, auraient vite fait de tout casser.

Cette petite histoire de Noël dit tout de l’air du temps. Il est, certes, bon qu’on s’en indigne, mais il est un peu tard, hélas, pour dénoncer quelques baraques foraines où l’on vend des « bombers en wax molletonné » quand des rues entières, des quartiers et bientôt des arrondissements de la capitale (intra-muros) sont devenus totalement ethniques. Allez donc chercher un coiffeur blanc dans le Xe arrondissement ou un primeur qui vende autre chose que des patates douces, des ignames et des bananes plantain le long du métro aérien ; et je ne parle pas de Barbès ou, sous le périphérique, de cette porte de Saint-Ouen, haut lieu du Hasard ludique qui enchante Télérama.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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