« Si la langue exerçait un pouvoi “sexiste”, on se demande comment Simone de Beauvoir a pu être féministe en écrivant en français “patriarcal”. L’évidence montre que l’on peut exprimer toutes les pensées et les idéologies les plus antithétiques dans la même langue. »

Après l’Académie, après Onfray récemment, ce sont 32 linguistes de la Sorbonne, du CNRS, etc., qui disent, ce 18 septembre, et avec raison, leur mépris envers les créationnistes de l’inclusivité linguale. Tout de leurs arguments est à lire dans Marianne. Retenir ces deux points :

Selon les inclusivistes, « la langue aurait été “masculinisée” par des grammairiens durant des siècles et il faudrait donc remédier à l’“invisibilisation” de la femme dans la langue. C’est une conception inédite de l’histoire des langues supposant une langue originelle “pure” que la gent masculine aurait pervertie, comme si les langues étaient sciemment élaborées par les locuteurs. »

« La langue n’est pas une liste de mots dénués de contexte et d’intentions, renvoyant à des essences. Il n’y a aucune langue qui soit fondée sur une correspondance sexuelle stricte. Autrement, le sens des mots serait déterminé par la nature de ce qu’ils désignent, ce qui est faux. […] Or, la langue n’a pas pour principe de fonctionnement de désigner le sexe des êtres : dire à une enfant “Tu es un vrai tyran” ne réfère pas à son sexe, mais à son comportement, indépendant du genre du mot. »

On doit relever l'incohérence intellectuelle des partisans de l'inclusivité. Une langue s'écrit et se lit, se parle et s'écoute. Elle se chante même et s'enseigne surtout. Sans quoi, elle mourra. De ces marques - parler/chanter/écouter -, les conceptualistes modernes n'ont cure. Ils croient inventer un écrit mais oublient que le langage est d’abord oral ! Il est, par suite, mis en forme, voyellisé ou pas, grammaticalement défini afin, entre autres, que la lecture soit proche de l’expression vocalisée et en favorise la compréhension. On chercherait bien en vain des exemples contraires, et même si parfois les règles écrites affinent l’expression et l’ouïe, elles sont encore là pour préciser le sens.

Qu’en est-il de l’écriture inclusive ? Vise-t-elle à cela ? Qui le croirait ? Elle n’est que volonté de subordonner l’écrit à des revendications de gens frustrés. Ils récriminent devant une soi-disant non-considération des êtres selon leur sexe. Mêler ce combat-là à l’apprentissage de l’écriture et la grammaire auprès des petits est une monstruosité. On a peine à imaginer les dictées telles que les voudraient faire et corriger les viragos et “féministes”.

Loin de servir une cause, la dissociation entre l’impossible oral et l’abscons écrit rendrait un peu plus décérébrés les écrivains et orateurs de demain ! Au nom des idéologies, grammaire, que ne te fait-on subir ! L’égalitarisme social te simplifia, le féminisme voudrait te complexifier ! Au moment où certains imposent de libérer les enfants de leur sexe et les laisser choisir leur genre, une partie des mêmes voudraient un procédé graphique et une habitude orale qui les signifient...

Car au-delà du kafkaïen graphisme, on réclame également que l’oralité se transforme malgré tout. Dans leur propos, “tous” devient “toutes et tous”, “ils” devient “elles et ils”, etc. On plaint la gymnastique intellectuelle de ceux qui auraient à écrire un discours - illisible mais respectueux de l’écriture nouvelle – puis le déclamer selon cette oralité si pénible.

Faut-il redire qu’au-delà d’écrire, une expression et une pensée se font d’abord et toujours par une langue ! Orale. Et qu’on ne peut inventer une forme qui ne la serve ni ne lui corresponde.

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21 septembre 2020 à 9:06

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