Considération, pouvoir d’achat, vie personnelle : le malaise des officiers

defile 14 juillet 2019-07-16 à 10.19.54

Le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) est une instance officielle capable de s'autosaisir de sujets de fond. Il a consacré son dernier rapport à la condition des officiers des armées - un rapport remis à Emmanuel Macron le 13 juillet dernier et dont Le Figaro parle cette semaine. On peut trouver le texte de ce rapport ici. La question de la considération des officiers, singulièrement par rapport aux fonctionnaires de catégorie A et A+, ne cesse de revenir dans les conversations de la haute fonction publique. Bruno Le Maire avait parlé de former les énarques (élèves de ce qui s'appelle désormais l’Institut national du service public, INSP) à la manière de l'École de guerre. Les antimilitaristes primaires qui singent la discipline caricaturale du service militaire obligatoire ne sont plus très nombreux. La France aime son armée. Et pourtant...

Le rapport insiste sur certains points importants : d'abord, les officiers s'engagent par vocation. Ce mot peut sembler pompeux mais n'est probablement pas faux : par rapport à d'autres diplômés de grandes écoles, les militaires gagnent moins, ont davantage de subordonnés, mettent leur vie en jeu et ne choisissent que leur première affectation en fonction de leur classement de sortie d'école. Il faut donc un peu plus de densité morale que la simple logique de profit. D'ailleurs, c'est le second point important, les officiers sont déclassés ; par rapport au monde civil, évidemment, mais aussi par rapport aux hauts fonctionnaires auxquels ils sont assimilés lorsqu'ils atteignent les échelons supérieurs de la hiérarchie. Leur pouvoir d'achat, sévèrement entamé par le gel du point d'indice durant des années, ne permet pas à un capitaine de vaisseau ou à un colonel de vivre comme son statut l'y obligerait. Tout au plus peut-il se mentir à lui-même en jouant le jeu de la fiction sociale : prises d'armes souvent étiques avec fanfares enregistrées, petits fours surgelés avec une poignée d'élus locaux...

Troisième point, à ce propos : la considération. Les officiers des trois armées (et de la gendarmerie) peuvent se passer de beaucoup de choses (le confort, la chaleur, leur famille pendant plusieurs mois, etc.) mais il est une chose dont ils ont un peu plus de mal à faire l'économie : le respect. L'officier est-il vaniteux ? Peut-être, mais pour le pouvoir politique, ça semble plutôt commode : voilà un homme ou une femme qui peut se faire trouer la peau sans problème, autant de fois qu'on voudra, tout ça pour une bande de tissu sur la poitrine et une poignée de main. On peut dire que c'est pratique. Il suffit seulement, pour se concilier les faveurs des militaires, de ne pas glapir « je suis votre chef », de ne pas traiter leurs sages conseils par le mépris (comme en Afrique, par exemple...), de ne pas mettre des héros de guerre aux ordres de petits conseillers impubères ; bref, il suffit de les considérer.

Au terme de cette centaine de pages d'investigation, qui montrent un profond mal-être dans une catégorie méconnue de la population, le HCECM formule des propositions de bon sens : grille indiciaire, fin du célibat géographique, facilités administratives... On espère pour eux que ce sera suffisant et suivi d'effets.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/09/2023 à 17:03.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Haute autorité d’evaluation de la condition militaire.
    Tout un programme…Les hommes politiques et les bobos gauchistes devraient aussi se pencher dessus.

  2. Lorsqu’il à été élu, macron (j »ai du mal à dire le président) pour qui je n’ai pas voté, m’avait fait une bonne impression, jusqu’à l’épisode concernant le général De Villiers. A ce moment là, le masque est tombé et la vrai nature de macron est apparue. Bien que la « grande muette » n’ait rien dit, ou si peu, les traces dans les esprits sont immenses, suite à la morgue et au mépris de leur « chef » qu’est macron de part les institutions.

  3. mon premier sac je l’ai posé sur les SM Argonaute et Minerve c’est dire qu’en ces temps là c’était une vrais armée mais c’était sous le Général De Gaule, la messe est dite, à présent les ministres n’ont jamais mis les pieds dans ce qu’ils ignorent totalement et de constater que même le chef suprême en ignore tout.
    .

  4. J’en sais quelque chose, mon fils ayant démissionné alors qu’il passait lieutenant colonel, marre des ordres et contrordres au niveau du COS où il a fait toute sa carrière, un déchirement, ma fille elle et son époux continuent malgré des offres intérressantes du privé, servir est un état difficile à comprendre pour le commun des mortels.

  5. Pourquoi ne parler que des officiers ? Leurs subalternes souffrent bien plus de leur faible pouvoir d’achat, d’un manque de reconnaissance total, de pensions minables et pendant leur carrière d’un mépris total de la part d’une majorité officers intéressés uniquement par leur carrière au detriment de ce qu’était l’armée autrefois : une famille. Ce ne sont plus que des carriéristes.

    • Vous êtes un ancien militaire ;auquel cas je ne sais pas de quelle armée vous parlez.
      Officier supérieur, j’ai quitté le service il y a près de 30 ans et pendant ma carrière, je n’ai pas entendu de plaintes exagérées… Les officiers poursuivaient selon leur potentiel avec un avantage :partir jeune à la retraite et à taux
      plein. J’ai quitté l’armée à 50 ans avec la retraite de colonel ;c’est loin d’être négligeable.
      Les Sous-officiers pouvaient partir à 15 ans de service à taux plein ;au bénéfice de quelques campagnes… outre mer ou à Berlin ;c’était loin d’être négligeable à 33 ou 34 ans

      • Les sous-officiers pouvaient partir à la retraite à 35 ans avec toutes leurs annuités, en effet, mais je reconnais bien le discours d’un officier qui ne parle que d’une infime partie qui reste une exception. Ceux qui ont cet avantage sont des volants de l’ALAT ou de l’armée de l’air, en mission. Quant aux autres, tous les autres, il leur faut des années de service à l’étranger et sur les théâtres d’opération pour glaner quelques années supplémentaires. En effet, les officiers ne se plaignaient pas trop, mais les autres si à cause de leurs faibles salaires ; cependant il aurait fallu les écouter peut-être pour connaître leurs problèmes. Quand je parle du mépris des officiers vis-à-vis de leurs subalternes, il se voit dans la réponse de Jill.

    • Vous avez raison, une armée, la NÔTRES, est avant tout une grande et vraie famille, faire le « trie » me paraît désastreux.
      Dois – je rappeler à certains officiers issus de Droit Divin » qu’une balle de fusil à le même effet dans la tête d’un Soldat, d’un Sous officier, d’un officier, voire d’un officier général.

  6. C’est le cas de tous les français laborieux dans ce pays . Un peuple , toute catégorie confondue , qui subit le mépris de son président et des élus . Il est vrai qu’ils ont choisi un métier difficile et c’est tout à leur honneur .

  7. Le « trouffion de base » a bien changé depuis la suppression du fameux « Service Militaire » ! … Et du coup, les « gradés » se sont retrouvé , eux aussi, à cette modification de population ! …

    J’ai « compris » dès l’évènement du 14 juillet de ce « Président-des-cercueils » que même l’Armée aura une déliquescence dans les années suivantes ! …

    Un nouveau DE GAULLE pour sauver LA FRANCE ? ! … Nous sommes beaucoup à l’espérer car les « poli-tocards » sont vérolés jusqu’aux ongles en ayant qu’un seul objectif: leur petite personne à l’image de X B, V P, A H ou J-L M ! …

    • Moi aussi ; mais il ne s’agit là que de la synthèse de l’enquête annuelle sur le mora ; Pour la vision désintéressée à ( long) terme sur la vocation/mission, c’est un aspect plus  » intime » des pensées profondes, sans doute.. Et puis, justement, concernant ce dernier point, tout n’est pas forcément bon à dire à Macron, le traître à la Patrie…

  8. Ce rapport disponible in extenso sur Theatrum belli est édifiant tant il décrit par le détail l’abandon ce corps par les différents gouvernants et pourtant Coët a fait le plein cette année

    • Fait le plein certes, mais vous ne vous êtes pas posé la question de savoir s’il n’ pas fallu racler les fonds de tiroir et passer par des rattrapages. Au cours de ma carrière j’ai eu , à une seule occasion, pu voir les rattrapages inadmissibles tant les moyennes du concours étaient basses, pour satisfaire les effectifs.

  9. Il suffit seulement, pour se concilier les faveurs des militaires, de ne pas glapir « je suis votre chef », de ne pas traiter leurs sages conseils par le mépris (comme en Afrique, par exemple…), de ne pas mettre des héros de guerre aux ordres de petits conseillers impubères
    ##
    Allez dire ca à un énarque banquier imbu de lui même!

  10. Que va penser le peuple de son armée, après avoir été depuis deux ans abreuvé de propagande américaine, relayée par des colonels et officiers généraux, stratèges de plateaux-télé, tous reformatés US Army ?

  11. Depuis la fin du service militaire obligatoire , l ‘ Armée n ‘est plus au centre de la Nation…il faut notoirement revaloriser la rémunération des officiers et augmenter, bien plus, le budget des armées .

  12. Sont ils plus à plaindre que la majorité des Français certainement pas, j’ai un ami commandant dans l’armée de terre tout n’est pas rose comme il me disait récemment, mais il y a plus malheureux en France que nous, voila au moins une certaine franchise et lucidité sur ce métier qu’il a choisi et qu’il aime.

    • A force de trouver plus malheureux , plus … quelque chose de pire (et la liste est longue) nous allons tous devenir des cas socc et disparaître .Il faut réagir mais nous avons tellement d’être accusés de ceci cela que nous ne faisons rien .

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