[Cinéma] The Lost King, la découverte improbable du corps de Richard III
C’est une histoire à dormir debout, et pourtant véridique. En septembre 2012, suite à une collecte de fonds sur Internet, des archéologues de l’université de Leicester découvrirent, sous le parking des services sociaux de la ville, un squelette que des analyses ADN permirent d’identifier rapidement comme étant celui de Richard III, dernier roi d’Angleterre issu de la maison d’York, tué à la bataille de Bosworth en 1485. C'est cette bataille qui mit un terme définitif à la guerre des Deux-Roses.
Film léger à l’humour espiègle, dont seuls les Anglais ont le secret, The Lost King, réalisé par Stephen Frears, relate avec intérêt les événements qui ont mené à la découverte du corps de Richard en 2012. Le mérite, nous dit-on, en revint à Philippa Langley, modeste employée du tertiaire et amatrice d’histoire à ses heures perdues, qui, du jour au lendemain, se passionna pour ce « roi maudit », bossu et mal aimé, et afficha une vive détermination à retrouver ses restes.
Hypersensible, souffreteuse, guidée par ses seules intuitions et ses sentiments, Philippa (Sally Hawkins) se heurte, au fil du récit, à la mauvaise volonté et à l’incrédulité (au mépris ?) des milieux universitaires qui ne manqueront pas, l’heure venue, de s’attribuer tout le mérite de sa découverte…
Confortée par les encouragements de son ex-mari et par l’image fantasmatique du roi Richard qui vient la visiter dans ses moments de doute (une idée brillante de mise en scène), Philippa semble guidée dans sa quête par quelque force divine, à moins qu’il ne s’agisse réellement de l’esprit du souverain réclamant d’outre-tombe une sépulture et des honneurs dignes de son rang. Pour cela, il lui faudra attendre mars 2015 et ses obsèques officielles dans la cathédrale de Leicester.
L'histoire est porteuse en général, et celle de Richard III en particulier. Lorsque Édouard IV mourut soudainement, en avril 1483, ses deux jeunes fils Édouard V (roi pour deux mois seulement…) et Richard de Shrewsbury furent enlevés et enfermés à la tour de Londres. Décédés dans des circonstances mystérieuses (et controversées), leur mort fut communément imputée, depuis lors, au duc de Gloucester, leur oncle, frère du défunt Édouard IV. Couronné le 6 juillet 1483 sous le nom de Richard III, l’usurpateur présumé, dernier représentant de la maison d’York, eut aussitôt à faire face à la reconstitution du parti ennemi, les Lancastre, autour du comte de Richmond, Henry Tudor, futur Henry VII. En 1485, en effet, ce dernier réunit une armée au pays de Galles et affronta, le 22 août, à Bosworth, les troupes de Richard III. Mort sur le champ de bataille, probablement trahi par Lord Stanley, le roi fut porté nu jusqu’au monastère franciscain de Greyfriars, dans la ville voisine de Leicester, où on l’enterra deux jours après sans aucune pompe. Ce furent alors les débuts de la dynastie des Tudor qui se maintint au pouvoir jusqu’à la mort de la reine Élisabeth en 1603.
Crise de légitimité oblige, Henry VII et ses successeurs firent tout leur possible pour ternir l’image de Richard III, leur prédécesseur, et le faire passer pour un être sanguinaire sans foi ni loi. « Par l'un de ces aménagements rétrospectifs dont les parlements se montrent parfois complices, écrit avec malice Bernard Cottret dans son Histoire de l’Angleterre, on décida qu'Henry VII était roi depuis le 21 août, veille du combat. Dès lors, ses ennemis avaient bien été des traîtres en tournant leurs armes contre ce roi de la veille […] Un acte de parlement entérinait le "putsch", présenté comme une conquête. » De là la légende noire de « l’usurpateur Richard III » à laquelle contribua largement la pièce de William Shakespeare...
Récit improbable d’une cause donnée perdante, The Lost King est un vibrant hommage à ces petites gens du quotidien, ces Britanniques que l’Histoire nationale émeut encore et qui ne ratent pas une occasion de le démontrer.
4 étoiles sur 5
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Un commentaire
Bon article relatant la rivalité pour le trône entre les maisons Lancastre et York des derniers Plantagênets. Histoire réelle. D’ailleurs le putsch fut organisé par la branche bâtarde des Lancastre via Margaret Beaufort mère d’Henry Tudor. Richard III ne méritait pas sa légende noire, l’histoire est toujours réécrite par les vainqueurs.