[CINÉMA] Oxana, un portrait hagiographique de la fondatrice des Femen…

Le parcours d'Oksana Chatchko, de ses débuts en Ukraine jusqu’à son suicide à Paris, en 2018.
Capture d'écran BA
Capture d'écran BA

Elles étaient un peu tombées dans l’oubli, ces dernières années, et, avouons-le, elles ne nous avaient pas manqué plus que ça… Les Femen ont droit, aujourd’hui, à un film sur la genèse de leur mouvement, l’un des « plus importants du XXIe siècle », d’après le synopsis officiel – on en rigole…

Mis en scène par Charlène Favier, réalisatrice de Slalom, Oxana se concentre tout particulièrement sur le parcours militant – et atypique, reconnaissons-le – de la chef de file de l’organisation, Oksana Chatchko, de ses débuts en Ukraine jusqu’à son suicide à Paris, en 2018.

Une représentante de l’anarcho-féminisme…

Le récit nous montre comment cette jeune artiste, fille d’anciens ouvriers ukrainiens, diplômée en 2000 de l'école Nikosh, où elle apprit à peindre des icônes orthodoxes, délaissa progressivement la religion et passa au militantisme politique. Passée, un temps, par l’activisme communiste, Oksana Chatchko trouva réellement sa voie dans le féminisme. D’abord avec le groupe Nouvelle Éthique, qui manifesta en 2008 contre le scandale de l’hôpital de Khmelnytskyï, où quatre femmes moururent par manque de soins, puis avec la création des Femen, la même année, aux côtés de ses amies Anna Hutsol et Oleksandra Chevtchenko. Vent debout contre la corruption des élites ukrainiennes, jugées complices de la prostitution et du tourisme sexuel, les Femen (contraction du féminin et du masculin) imposèrent aussitôt leur marque de fabrique : nudité, peinture sur le corps, couronnes de fleurs et slogans chocs en anglais… Rapidement, Oksana Chatchko et ses camarades s’en prirent au président biélorusse Alexandre Loukachenko et surtout à Vladimir Poutine, qu’elles accusèrent ouvertement de trucage électoral. Réfugiée à Paris en 2013, par mesure de sécurité, la chef des Femen s’aperçut alors que la branche française du mouvement, dirigée d’une main de fer par son amie Inna Chevtchenko, faisait l’objet d’une dérive autoritaire, quasi militaire, en contradiction totale avec le principe de collégialité démocratique des débuts. C’est là que la fondatrice des Femen prit ses distances avec le mouvement…

Des incohérences idéologiques

Construit de façon très brouillonne sur deux temporalités inutilement entrelacées – la période ukrainienne et la période parisienne –, le film de Charlène Favier s’avère surtout incapable de porter le moindre regard critique sur son sujet. La réalisatrice n’interroge jamais les incohérences fondamentales d’un mouvement féministe qui utilise systématiquement les codes de la société capitaliste – culture de la nudité, de la provoc' facile, du buzz, du trash et du clash – pour déplorer la déconsidération morale et intellectuelle des femmes, leur chosification et leur marchandisation.

Mouvement dont l’anticléricalisme forcené, en désacralisant tout, va précisément dans le sens de cette réification des êtres… Bizarrement, la cinéaste n’évoque pas les tronçonnages de croix dont se sont rendues coupables les Femen, sans doute par souci de lisser leur image auprès du grand public. Pour sa part, Oksana Chatchko, que semble admirer Charlène Favier, n’était pas la dernière à malmener la religion, elle exposait à Paris dans des galeries branchouilles ses icônes représentant Jésus dans des positions sexuelles et les saints avec des kalachnikov. De quoi réjouir le petit-bourgeois parisien de gauche en mal de déconstruction. Peut-être tient-on là, dans cette gabegie et cette confusion intellectuelle, les raisons profondes du suicide de la jeune femme…

2 étoiles sur 5

 

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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