À la veille du décès du pape Jules II, Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni se voit contraint par les autorités religieuses de mettre un terme définitif aux travaux de la chapelle Sixtine sur laquelle il travaille depuis quatre ans déjà afin de se consacrer pleinement au tombeau du souverain pontife. Lorsque ce dernier décède, en février 1513, la famille Della Rovere à laquelle il appartenait est en conflit avec les Médicis dont l’un des fils, Jean, est élu pape à son tour et prend la tiare sous le nom de Léon X. Alors que les deux clans s’affrontent politiquement, chacun sollicite Michel-Ange, le premier pour l’astreindre à terminer le tombeau de Jules II, conformément à l’engagement qu’il a pris en 1504, le second pour confier au sculpteur la façade de la basilique San Lorenzo de Florence.

Tiraillé entre les promesses faites aux uns et aux autres, Michel-Ange, lui, s’efforce péniblement de privilégier son intérêt d’artiste en fonction des moyens et de la liberté de création que chaque parti consent à lui offrir. En cela, Il Peccato (« Le Péché »), titre original du film, est à appréhender comme l’histoire d’un homme bouffi d’orgueil, prêt à s’asseoir sur ses promesses et à trahir pour son art ceux qu’il avait promis de servir. Une approche des relations professionnelles qui ne restera pas impunie et aura pour lui des conséquences dramatiques.

Pour cette coproduction russo-italienne, financée en grande partie par le ministère de la Culture de la Fédération de Russie, le frère du cinéaste Nikita Mikhalkov, Andreï Kontchalovski, signe pour la seconde fois, après Andreï Roublev de son ami Tarkovski, le scénario d’un film biographique centré sur un peintre célèbre, scénario dont il se charge lui-même de la mise en scène.

Si les points communs entre l’œuvre de Tarkovski et ce Michel-Ange sautent aux yeux – on pense aussi bien au mysticisme des personnages principaux (ici, grand admirateur de Dante) qu’à la beauté des cadres –, le film de Kontchalovski se distingue par la primauté accordée à l’homme et à ses tourments (Alberto Testone, portrait craché du peintre-sculpteur) au détriment, hélas, de son travail d’artiste… Jamais le spectateur n’aura véritablement l’occasion de voir Michel-Ange à l’œuvre. En revanche, rien ne nous sera épargné de ses frustrations, de ses rivalités et de ses petits travers personnels : son orgueil aviné et son manque d’hygiène. Le cinéaste, en bon moderne, commet l’erreur de croire que l’individu captive autant, sinon davantage, que l’objet de sa postérité, c’est pourquoi Kontchalovski fait l’impasse sur la créativité du personnage. Comme si ses œuvres ne pouvaient contribuer, fût-ce en partie, à raconter l’homme, voire à définir le maître. L’époque actuelle, décidément, est bien celle du primat de l’artiste sur ses productions...

Ceux qui désireraient en savoir plus sur la technique de Michel-Ange, sur ses aspirations et sur son rapport à l’art en général n’auront droit, in fine, qu’à un énième portrait d’artiste maudit, avec tous les clichés inhérents au genre.

En dépit du fait qu’il relaye un peu trop la caricature d’une époque de chaos moral digne du Prince de Machiavel, le film d’Andreï Kontchalovski a le mérite notable d’informer le spectateur sur la vie de Michel-Ange, de lui restituer un contexte historique sans trop se complaire dans la représentation du sexe et de la violence, contrairement à ce qui nous est proposé ces dernières années au cinéma et à la télévision.

Le film impressionnera surtout pour la composition de ses cadres (tournés au format 1.33) et pour ces séquences mémorables où les ouvriers de Carrare parviennent à extraire de la roche, puis à véhiculer, un « monstre » de marbre commandé par le maître.

3 étoiles sur 5

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31 octobre 2020 à 9:21

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