Cinéma : Mary Shelley

Sorti ce mois-ci sur les écrans, le biopic Mary Shelley, réalisé par la cinéaste saoudienne Haifaa al-Mansour, revient avec intérêt sur le parcours de celle à qui l’on doit l’un des plus fameux romans gothiques anglais du XIXe siècle, Frankenstein ou le Prométhée moderne.

Fille de Mary Wollstonecraft et de William Godwin, figures incontournables du paysage littéraire britannique, la jeune femme semble très tôt, et en dépit de ses ambitions propres en la matière, condamnée à demeurer éternellement dans l’ombre de ses parents lorsqu’en 1814, elle fait la connaissance du poète Percy Bysshe Shelley, grand admirateur de William Godwin. Rapidement, le couple attire le scandale, Percy étant déjà marié à une première femme qu’il tend à délaisser avec un enfant sur les bras. Malgré tout, Mary s’engage à corps perdu dans cette relation destructrice et parviendra, in fine, à en tirer l’inspiration nécessaire à l’écriture de son roman phare.

La démarche du film, en soi plutôt convenue, consiste, au fil du récit, à identifier Mary Shelley à son monstre et à vouloir faire d’elle la créature malheureuse de son amant et futur époux dont les infidélités au quotidien et son incapacité patente à vivre selon ses moyens mettent directement en danger le bien-être de son couple. La fille en bas âge des deux amants le paiera même de sa vie lorsque, pour fuir leurs huissiers, Percy et Mary prendront le risque, une nuit, de transporter le bébé malade sous une pluie battante. Un épisode tragique qui pourrait en partie expliquer, selon le film, l’obsession de Mary Shelley pour le thème de la résurrection des morts. À ce stade, le monstre de ses fantasmes n’est déjà plus très loin…

D’un féminisme diffus, ou du moins qui a la pudeur et la modestie de ne jamais s’afficher en tant que tel, le film de Haifaa al-Mansour s’attache simplement à conter, sur un mode romantique, le parcours d’une femme hors du commun hantée par un imaginaire sinistre et dépressif. Un romantisme magnifiquement porté par le lyrisme de la bande originale, la grandiloquence des dialogues, les ellipses narratives et les mouvements de mise en scène parfois à la limite du clip vidéo. C’est peu dire, ici, que ce que l’on considère généralement comme des tares de réalisation servent à merveille le sujet du film.

Sans doute, enfin, la thèse sur laquelle repose ce Mary Shelley, le parallèle entre l’auteur et la créature de son roman, est-elle trop explicitée en fin de récit, mais il n’empêche que la cinéaste a su capter, outre son intérêt historique évident, le potentiel poétique de cette singulière histoire.

4 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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