Lorsqu’en Europe de l’Ouest, on évoque le communisme et le régime stalinien, c’est souvent avec le détachement de ceux qui n’ont pas connu la chose et pour qui le passé – surtout des autres – n’appartient qu’aux livres d’Histoire. Pourtant, le cinéma qui nous parvient des pays de l’Est – horriblement mal distribué, cela dit en passant – semble encore aujourd’hui travaillé par les horreurs du XXe siècle. On pense à Katyń, d’Andrzej Wajda, aux films de Paweł Pawlikowski, Ida et Cold War, et à bien d’autres.

Les Séminaristes, d’Ivan Ostrochovský, s’inscrit pleinement dans cette tendance. Coproduit par la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie et même l’Irlande, ce film dépeint le climat anxiogène de la Tchécoslovaquie du début des années 80, lorsque le gouvernement et son président Gustáv Husák s’ingéraient directement dans les affaires de l’Église via l’organisation cléricale Pacem in Terris, laquelle avait pour fonction de légitimer par des cadres religieux le pouvoir socialiste en place. Un positionnement idéologique contraire, évidemment, à celui promu par le pape Jean-Paul II…

L’intrigue du film suit alors deux jeunes séminaristes, Juraj et Michal, témoins médusés de la politique collaborationniste promue – officiellement, du moins – par leur hiérarchie à l’égard du régime. Personnifié par un commissaire souffreteux en proie à un eczéma rougeoyant et croissant – l’image est lourde de symbole –, le pouvoir traque les dissidents qui pullulent au sein du séminaire et s’opposent à Pacem in Terris, confisque les machines à écrire qui serviraient potentiellement à rédiger leurs tracts anonymes, les monte les uns contre les autres, encourage la délation, arrête les plus téméraires d’entre eux et, au besoin, tabasse à mort un prêtre avant d’abandonner son corps en pleine nuit sur une route de campagne.

Extérieurs à tout cela, apolitiques, les événements conduiront tôt ou tard nos séminaristes Juraj et Michal à prendre parti et à accepter, peut-être, d’en subir les conséquences…

Le film d’Ivan Ostrochovský a pour lui deux qualités indéniables : la force de son sujet, sa dimension historique ; et la composition de ses cadres, filmés au format 1.33 dans un noir et blanc magnifique qui n’est pas sans évoquer Ida, de Paweł Pawlikowski – précisons, d’ailleurs, que Rebecca Lenkiewicz a officié sur les deux films en tant que coscénariste.

Hélas, les qualités des Séminaristes mettent aussi en lumière ses défauts : le contexte historique eût, sans nul doute, gagné à être explicité davantage ; et l’esthétique un peu trop léchée de l’ensemble crée une distance avec le spectateur qui, loin de s’attacher aux personnages, cherche constamment le sous-texte et se surprend même, dans la dernière partie, à bâiller devant un film qui ne dépasse pourtant pas 1 h 21 !

Reste le témoignage (édifiant) d’une époque.

 

2,5 étoiles sur 5

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11 juin 2021 à 15:40

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