[L’ÉTÉ BV] [CINÉMA] La jeune fille et les paysans
À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, La jeune fille et les paysans, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman.
En 2017, Dorota Kobiela et Hugh Welchman se firent connaître avec La Passion Van Gogh (Loving Vincent, en version originale), un long-métrage graphique et révolutionnaire qui voyait la peinture de l’homme à l’oreille coupée s’animer sous nos yeux. La technique consistait à tourner les séquences en prises de vues réelles, à reproduire ensuite chaque plan au pinceau et à donner vie à l’ensemble grâce à la magie de l’infographie. Un travail colossal qui nécessita toute une équipe de peintres et s’étendit sur huit longues années… À l’arrivée, si le scénario proposé s’avérait décevant – un genre d’enquête policière autour du suicide de Vincent van Gogh –, les moyens techniques mis en œuvre assuraient au spectateur une expérience cinématographique unique. Car à travers ce film, le couple Kobiela/Welchman ne célébrait rien de moins que la victoire de la peinture impressionniste sur le cinéma.
Adaptation d'un roman polonais à succès
Un retournement inattendu, quand on sait que l’impressionnisme partait précisément d’un constat d’échec de la peinture face à la photographie. En effet, les peintres de la fin du XIXe siècle estimaient que l’art pictural et figuratif de jadis avait désormais atteint ses limites, puisque rien ne pourrait jamais rivaliser avec le réalisme de la photo. La seule option possible pour tout artiste-peintre serait donc à présent d’embrasser l’abstraction, la subjectivité et le mouvement. De là, donc, la naissance de l’impressionnisme. Avec La Passion Van Gogh, les réalisateurs non seulement rendaient hommage aux vaincus de l’Histoire (les peintres) mais, en outre, affirmaient la supériorité sensitive et créatrice de ceux-ci sur les photographes et cinéastes. La pauvreté du scénario, par ailleurs, ne faisait que souligner la puissance évocatrice et le pouvoir des images primant sur toute ambition narrative.
Aujourd’hui, avec La jeune fille et les paysans, le couple Kobiela/Welchman et leur chef-peintre Piotr Dominak – qui officiait déjà sur La Passion Van Gogh – souhaitent réitérer leur formule. En portant à l’écran Les Paysans (Chłopi, en polonais), roman à succès de Władysław Reymont, un auteur-phare du mouvement de la Jeune Pologne du XIXe siècle, les réalisateurs décident enfin d’accorder autant d’importance au récit qu’aux images.
L’histoire proposée fait le tableau – c’est le cas de le dire – d’une paysannerie sur laquelle s’est bâtie toute notre civilisation européenne jusqu’à l’apparition de l’industrialisme et l’essor de la technologie. D’une noirceur peu commune, le récit suit une jeune femme, Jagna, éprise d’un paysan déjà marié, tandis que le père de celui-ci, Boryna, se met en tête de l’épouser. Source de conflits, notamment financiers, entre le père et le fils, Jagna se conforme à ce que l’on attend d’elle, épouse Boryna, mais subit, malgré cela, les jalousies, quolibets et médisances des paysans du coin. Perçu initialement comme une menace, le mari pourrait bien, finalement, se révéler son meilleur allié ; et son amant, la pire des ordures…
Profond mépris pour la paysannerie
Moins stimulant, intellectuellement, que La Passion Van Gogh, La jeune fille et les paysans n’en est pas moins riche sur le plan visuel. Bénéficiant d’un casting solide et d’une bande originale entraînante, ce second film de Dorota Kobiela et Hugh Welchman ravira pour la beauté de ses paysages et son ambiance, mais agace tout de même par son profond mépris pour la paysannerie, dépeinte comme arriérée, fruste et chicaneuse. De quoi conforter nos bobos dans leur représentation du monde… Le film aura au moins l’excuse d’être l’adaptation d’un classique de la littérature.
3 étoiles sur 5
https://www.youtube.com/watch?v=oO9UY3gLbNU
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