[Chronique] Cour pénale internationale : quand le juge supplante le politique

CPI

Le procureur de la Cour pénale internationale a suscité l’émotion, l’indignation ou l’approbation lorsqu’il a annoncé qu’il formulait des « requêtes aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt contre les dirigeants du Hamas et contre Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yaov Gallant ». L’exact parallélisme des incriminations entre des chefs terroristes et des hommes politiques démocratiquement élus a créé le scandale : « Compte tenu des éléments de preuve recueillis et examinés par mon Bureau, j’ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale de Yahya Sinwa, Mohammed Diab Ibrahim Al-Massi et Ismail Hamiyeh est engagée pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire d’Israël et dans l’État de Palestine. » La même incrimination est portée contre les deux dirigeants d’Israël, dans exactement les mêmes termes, pour « les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire de l’État de Palestine ».

À l’évidence, traiter de la même façon, et à dessein, les chefs d’un mouvement terroriste qui ont lancé une attaque sanglante qui a causé 1.200 morts et 5.431 blessés, auxquels s’ajoute la prise en otages de 247 personnes, et les gouvernants démocratiques d’un État qui se défend constitue une « innovation » particulièrement choquante. C’est un peu comme si l’on renvoyait dos à dos Churchill et Hitler. Mais il y a bien un agresseur et un défenseur.

Le long communiqué du Quai d’Orsay qui indique que « la France soutient la Cour pénale internationale, son indépendance et la lutte contre l’impunité dans toutes les situations » a créé l’incompréhension en Israël et le malaise en France car, une fois encore, il a été donné l’impression que la crainte des réactions de la minorité musulmane influençait l’attitude du gouvernement.

Mais au-delà de la requête du procureur de la CPI, dont on ne sait si elle aboutira, cette péripétie judiciaire signe bien le fait que nous sommes entrés dans une ère post-démocratique. En fin de compte, l’action des gouvernements démocratiquement élus est sous contrôle judiciaire. La démocratie ne consiste plus dans le respect du verdict des urnes et des choix de la majorité mais dans la conformité avec un État de droit figé dans le temps idéologique du « progressisme » et l’interprétation qu’en fait le juge. À l’adresse du gouvernement israélien, le procureur Khan indique qu’il lui a demandé « de bien réfléchir avant d’agir sous peine de voir son Bureau prendre les mesures qui s’imposent ». C'est-à-dire que le juge décide de la manière dont doit être menée la guerre.

Ainsi, la voix du juge supplante la décision politique. Tout ceci n’est pas sans une idéologie construite. Déjà Montesquieu, qui était lui-même magistrat, avait érigé le monde judiciaire en pouvoir, ou plutôt contre-pouvoir. De fait, durant tout le XVIIIe siècle, les Parlements s’opposèrent aux volontés réformatrices de la monarchie. La Révolution s’en souvint et la loi du 16-24 août 1790 disposa en son article 10 : « Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le roi, à peine de forfaiture. »

Aujourd’hui, les thèses de Jünger Habermas, très en vogue dans les institutions européennes, qui font de la fidélité à un corpus juridique et constitutionnel le substitut à la loyauté envers la nation contribuent à affaiblir la conception classique de la démocratie. La volonté du peuple, exprimée par le vote, devient relative et susceptible de contestation judiciaire si elle n’est pas conforme au système juridique en vigueur. On parvient ainsi à une sorte de « fossilisation » de l’État de droit. Toute évolution vers un système différent devient donc illégitime, non pas parce qu’il est contraire à la volonté du peuple mais parce qu’il est contraire à la volonté du juge qui n’est que l’instrument du système en place. Voter contre le système est populiste, voter pour le système est légitime !

Il en résulte une lassitude des électeurs, et parfois même de leurs représentants, qui considèrent, non sans raisons, que leurs votes sont sans effet. Or, cet état de fait est dangereux, car si voter ne sert à rien pour changer les choses, il ne reste qu’une option : la révolution. François Mitterrand, ancien monarchiste qui connaissait l’Histoire de France, avait déclaré, lors de son dernier Conseil des ministres : « Méfiez-vous des juges, ils ont tué la monarchie. Ils tueront la République. » Nous y sommes.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Avec la prédominance d’une Cour Européenne et d’une Cour Internationale , je voudrais savoir où se situent les Nations et plus précisément la France. Fédérer l’Europe est une trahison envers ceux qui ont payé de leur vie durant des siècles et encore aujourd’hui pour que la NATION SURVIVE. Tous ces grands hommages sont des insultes tant ils sonnent faux. J’ai été particulièrement choquée par Gabriel Attal préoccupé par sa coiffure et sa cravate pendant l’hommage rendu aux agents pénitentiaires tués à Incarvill?
    Victorine31

  2. Quelle loi internationale autorise un pays dit démocratique avec des dirigeants élus de torturer, de génocider, de torturer, de commettre des crimes contre l’humanité et ne pas etre inquiète. Les élus ne sont pas au dessus des lois qui elle-meme ont été votées par d’autres élus. Un dirigeant en démocratie n´est pas autorise a se transformer en terroriste. De surcroit, il y a lieu de faire la différence entre un terroriste de style Daesh invente et utilise par les US et un résistant qui défend sa terre sous occupation étrangère.

  3. « la France soutient la Cour pénale internationale, son indépendance et la lutte contre l’impunité dans toutes les situations » Y a du boulot!

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