Ceuta : une marée migratoire

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Lundi, l'enclave espagnole de Ceuta, en territoire marocain, s'est vue subitement submergée par l'arrivée de plus de 8.000 migrants, pour la plupart marocains, venus des rivages voisins à la nage voire, certains, à pied au moment de la marée basse. Les forces de l'ordre espagnole, surprises par cet afflux massif, n'ont pu réagir à temps, totalement débordées par la situation. Parmi les arrivants, plus de mille sont des mineurs isolés. Sur les 8.000 arrivants, la moitié environ ont été expulsés derechef vers le Maroc.

Mais ce raz-de-marée subit ne manque pas de soulever des questions. S'agit-il d'une opération organisée, en particulier avec la complicité des autorités marocaines ? C'est ce que le gouvernement espagnol a l'air de penser : Pedro Sánchez a annulé sa participation au sommet de Paris sur l'Afrique et s'est rendu sur place pour piloter un indispensable retour à la normale. L'ambassadeur du Maroc à Madrid a été convoqué en urgence. Car il est probable que tout ceci ne soit qu'une opération diplomatique hostile du Royaume chérifien contre l'Espagne, les deux pays se trouvant depuis longtemps en conflit : les deux enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila figurent au rang des revendications de Rabat ; en sus, l'Espagne abrite des leaders du Front Polisario, qui revendique l'indépendance du Sahara occidental. Ainsi donc, cette submersion pourrait n'être qu'une opération téléguidée par le gouvernement marocain, un peu comme l'avait été la tentative d'invasion des côtes grecques, en mars 2020, par Erdoğan.

Plusieurs réflexions peuvent alors venir à l'esprit. Quel est donc le prix accordé à la vie humaine par ces régimes, quelle est donc la solidarité musulmane envers ces pauvres gens, quand on voit le roi du Maroc, officiellement chef des fidèles de son pays, laisser risquer la vie de 8.000 personnes (certains sont morts noyés dans l'aventure) simplement pour envoyer une peau de banane à l'Espagne ? Mohamed VI n'a visiblement pas peur de montrer ainsi au monde entier son propre peuple s'enfuir de son royaume, comme s'il était un enfer.

Maroc, Turquie : l'Union européenne a longtemps considéré ces pays comme des « partenaires », et continue d'ailleurs de le faire. Or, ce ne sont pas nos partenaires mais nos rivaux, dans le cadre d'une guerre de civilisation qui les conduit à user de toutes les armes en leur pouvoir. Et la submersion migratoire en est une de taille. Et tant pis pour les pauvres gens qui trouvent la mort dans l'opération : pour cette autre civilisation qui nous combat, le prix de la vie n'est pas le même que le nôtre, quelques vies innocentes ne valent rien si cela permet de semer la panique en Europe... Une Europe qui ferait bien de réarmer au plus vite ses frontières, car ce qu'il se passe à Ceuta pourrait bien demain devenir une généralité : les arrivées massives ont repris sur l'île de Lampedusa et Erdoğan attend toujours son heure avec, sous la main, des millions de réfugiés prêts à fondre sur nos côtes...

Olivier Piacentini
Olivier Piacentini
Ecrivain, politologue

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