Jean-Michel Blanquer est ministre de l’Éducation nationale depuis un an. C’est l’occasion, pour lui, de dresser le bilan de son action dans le Journal du dimanche. Évidemment, il en fait un tableau positif. Est-ce justifié ? Prêtons-nous au jeu du bilan à notre tour.

Commençons par les changements indubitablement positifs.

Le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones défavorisées est certainement le point le plus positif. Il est bien établi qu’un retard dans l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture ne se rattrape que très rarement. Mettre les moyens sur ces niveaux, par une baisse conséquente du nombre d’élèves par classe, est un investissement pertinent dont les effets se feront sentir dans les années qui viennent.

La rupture avec les délires pédagogistes qui avaient libre cours sous le ministère précédent est également bienvenu. Que ce soit la préconisation de la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture ou la nomination de Souâd Ayada à la tête du Conseil supérieur des programmes, en remplacement du calamiteux Michel Lussault, les changements vont dans le sens d’une restauration d’une école du savoir.

L’épisode du lycée Gallieni de Toulouse est également positif dans la façon dont le ministre a géré l’affaire. Rappelons que, dans ce lycée professionnel, les violences étaient telles que l’équipe pédagogique s’était mise en grève. Alors que, dans un entretien à un quotidien local, l’inspecteur d’académie excusait les élèves et mettait en cause les enseignants, M. Blanquer, après le rapport d’une mission d’inspection, limogeait le proviseur du lycée, puis l’inspecteur d’académie, avant de pourvoir au remplacement du recteur. Alors qu’auparavant, on aurait accablé les personnels en première ligne, c’était maintenant l’ensemble de la hiérarchie qui était sanctionnée, le ministre rappelant par son action que lorsqu’on est responsable, on doit assumer la responsabilité des échecs et pas seulement des réussites.

Cependant, si l’attitude envers les enseignants est plus respectueuse et s’il n’hésite pas à dire qu’il est le ministre des enseignants, les relations avec eux ne sont pas au beau fixe. C’est que, depuis Allègre, ils ont l’habitude d’être méprisés. Il faudra plus que de belles paroles pour les convaincre que les temps ont changé. Surtout quand les actes les contredisent. Le ministre sortant avait mis en place, en catastrophe avant les élections, ce qui se présentait comme une revalorisation des professeurs. Revalorisation en trompe-l’œil pour une minorité d’entre eux, mais enfin, des miettes, c’est mieux que rien quand on sait que les enseignants français sont les moins bien payés de l’OCDE après les Grecs. Une des premières mesures prises par le gouvernement a été de geler cette revalorisation. Certes, M. Blanquer n’est pas ministre du Budget, et le salaire n’est pas tout, mais enfin, ne proposer que 1,2 SMIC à un diplômé à bac + 5 pour enseigner dans des conditions souvent difficiles ne peut pas passer pour du respect.

Dans les points négatifs, nous compterons également l’abaissement de l’obligation scolaire à 3 ans. Cette baisse ne changera pas fondamentalement les choses. En 2015, plus de 97 % des enfants de 3 ans étaient scolarisés (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383587). Mais symboliquement, c’est un changement important. Là où c’étaient les parents qui choisissaient de scolariser leurs enfants, c’est maintenant une obligation imposée par l’État. Il est normal que l’État se soucie de l’instruction des enfants français. Mais se faire éducateur dès le plus jeune âge et vouloir se substituer aux parents est une dérive inquiétante. Il convient de rapprocher cette mesure de celle faisant passer l’ouverture d’une école privée (même hors contrat) du régime de la déclaration à celle de l’autorisation. C’est une entrave à la liberté scolaire, le prétexte de lutter contre les écoles islamistes est fallacieux. Il n’y a que dans les régimes totalitaires que l’État a le monopole de l’éducation.

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22 mai 2018 à 8:42

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