Ce n'est pas une nouvelle blague de mauvais goût. Benjamin Griveaux, jadis candidat à la mairie de Paris, en avait été écarté (on s'en souvient), en février 2020, après la diffusion, sur les réseaux sociaux, de vidéos « à caractère intime », comme on dit pudiquement.

Cette cabale sur fond de sexe numérique ressemblait, à l'époque, à une sorte de fin de parcours pour le jeune technocrate. Ancien de l'écurie Strauss-Kahn - celle de la campagne présidentielle, pas celle du Carlton -, il avait rejoint Macron en 2017 avec tous ses copains. Ismaël Émelien, Cédric O ou encore Sibeth Ndiaye faisaient aussi partie de la charrette. Il avait été ministre, puis s'était rêvé maire de Paris. Mais il ne suffisait apparemment pas de tromper sa femme pour marcher dans les pas de Jacques Chirac. À l'heure des réseaux sociaux, la diffusion d'une vidéo explicite s'était chargée de le lui rappeler.

On avait bien essayé de le recaser à la tête de la Base industrielle technologique de défense, mais l'acronyme équivoque de cette structure avait fait rire les esprits méchants (« grâce à la BITD, Griveaux reprend la main » avait, par exemple, titré Minute, partenaire officiel de la haine et des heures sombres).

On apprend, aujourd'hui, que Benjamin Griveaux va devenir présentateur d'une émission d'économie sur la chaîne B SMART, créée voici un an. Il a également créé une société de conseil à destination des chefs d'entreprise. « Passer de l'autre côté du miroir est un pari », dit-il avec un douteux sens de la formule. Ce miroir-là, au moins, annonce clairement qu'il est public. C'est au moins ça.

C'est, en tout cas, la nouvelle mode chez les has been de la politique. Un passage par la télé, où la soupe est bonne, avant de revenir, sans une once de vergogne et si le vent le permet, sur le terrain de l'autorité de l'État. Ce fut le cas de Roselyne Bachelot, qui devint ministre de la Culture après s'être recyclée dans la chronique télévisée à la chute de Sarkozy.

Le fait que ces deux catégories soient perméables peut être interprété de deux façons : du bon côté, la politique cesse d'être un métier. Ce n'est plus une rente de hâbleurs paresseux, à qui la vraie vie fait trop peur. Du mauvais côté, la politique et les médias achèvent leur fusion pour le pire. Après les couples politico-journalistiques (DSK-Anne Sinclair, Kouchner-Ockrent, Montebourg-Pulvar, etc.), après le marketing politique dans les médias (Mimi Marchand pour les Macron étant l'exemple le plus caricatural), un nouvel être hybride fait son apparition : le politicien devenu journaliste. Celui-ci est autonome. Comme, jadis, Griveaux face à son téléphone.

Autrefois, on pantouflait dans le privé. Le plus important était de faire du fric. Maintenant, le plus important est de rester connu. Question d'époque.

Et la France, dans tout ça ? Bof. La France, combien de likes ?

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29 août 2021 à 22:14

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